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Economie

SOTRADER : Chronique d’une catastrophe

IMG Ce projet a été échec sur tous les plans.

C’est une histoire que l’on connaît trop bien, mais que l’on raconte encore avec un brin de stupeur. Celle d’un pays béni par la nature, gavé de soleil, de pluies et de terres fertiles, mais condamné à importer son assiette. Le Gabon, miroir brisé d’une agriculture qui aurait dû être une fierté nationale, est devenu, au fil des décennies, un modèle de gâchis méthodique.

 

Un printemps avorté

1970. Le pays sort à peine de l’indépendance, des discours pleins d’espoir fleurissent dans les amphithéâtres et les salons ministériels. L’agriculture est proclamée "priorité nationale". On rêve de plantations florissantes, de campagnes dynamiques, de marchés débordants de produits locaux.

 

La Société Gabonaise de Développement Rural (SOGADER) est créée pour porter ce rêve à bout de bras. Mais très vite, les bras se croisent : le pétrole jaillit du sous-sol, les devises affluent, et l’agriculture passe à l’arrière-plan. Pourquoi se fatiguer à cultiver la terre quand il suffit d’exporter du brut pour remplir les caisses de l’État ?

 

Les années du déclin silencieux

Les décennies passent. Dans les villages, les champs se vident, les jeunes quittent la terre pour la ville, séduits par la promesse d’une modernité facile. Sur les étals, les bananes du village cèdent la place aux pommes sud-africaines et aux oignons hollandais.

Dans les années 1990, le coup de grâce est asséné : sous la pression des bailleurs de fonds, l’État se désengage. Les agriculteurs sont abandonnés comme de vieux outils rouillés. Plus de soutien technique, plus d’accès au crédit, plus de politique cohérente. L’agriculture gabonaise devient un vestige, un souvenir lointain.

 

Un sursaut… de façade

2010. Nouveau souffle, nouveau slogan : "diversification économique". Le Plan Stratégique Gabon Émergent est lancé. Le programme GRAINE est annoncé en grande pompe, avec des coopératives villageoises en vitrine et des ambitions agro-industrielles à la pelle.

Mais sur le terrain, la réalité est moins glorieuse. Projets mal ficelés, foncier mal sécurisé, financement inaccessible aux jeunes… Une fois encore, les discours peinent à survivre à l’épreuve du terrain. Les grandes plantations rêvées deviennent des chantiers inachevés, parfois engloutis par les herbes et les dettes.

 

Pourquoi l’échec persistant ?

À bien y regarder, l’échec de l’agriculture gabonaise n’a rien d’un accident. C’est une mécanique bien huilée : Un modèle économique construit sur la rente, pas sur la production. Une absence chronique de stratégie agricole durable. Des infrastructures rurales indigentes. Un désintérêt institutionnalisé pour la terre, perçue comme archaïque. Un système d’importations alimentaires incontrôlées, étouffant toute initiative locale. À cela s'ajoute un mal profond : le découragement. Celui des paysans qui travaillent sans perspective. Celui des jeunes qui ne voient dans l'agriculture qu'un destin de misère.

 

Une urgence nationale déguisée en débat éternel

Aujourd’hui, l’histoire pourrait basculer. La crise mondiale de l’alimentation, les tensions sur les marchés internationaux, la pression démographique : tout indique que miser sur l’agriculture n’est plus un choix, mais une nécessité.

Le Gabon dispose encore d’atouts inouïs : une terre généreuse, un climat indulgent, une jeunesse nombreuse. Ce qu’il lui manque, ce n’est pas un énième plan quinquennal enrubanné de jargon technocratique. Ce qu’il lui faut, c’est une révolution pragmatique : Sécuriser la terre. Financer ceux qui la travaillent. Moderniser sans dénaturer. Célébrer l’agriculture comme un moteur d’avenir, pas comme un vestige folklorique.

 

Épilogue provisoire

Le Gabon n'a pas raté son rendez-vous avec l'agriculture par hasard. Il l’a refusé par choix politique, par paresse économique et par cécité stratégique.

Reste à savoir si, dans un monde où nourrir sa population deviendra un luxe, il saura, enfin, retrousser ses manches et retourner à la terre. Avant que la nature elle-même, lassée d’être ignorée, ne reprenne ses droits sans lui demander son avis.

 

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