Allongé sur son lit d’hôpital au Centre Hospitalier Universitaire de Libreville, paralysé du côté gauche après un AVC, Sima Mboula n’a désormais qu’une seule arme : sa dignité. Le célèbre chanteur, dont les mélodies ont bercé des générations de Gabonais, n’a pas perdu sa voix, mais il a perdu ses illusions. Car si la musique adoucit les mœurs, elle ne semble pas avoir attendri le cœur de ceux qui pourraient, et devraient, l’aider.
Le Grand Nord : grande gueule, petit cœur
Ah, le Grand Nord ! Cette terre d’illustres parleurs et d’infatigables donneurs de leçons. Ces élites aiment rappeler à qui veut l’entendre qu’elles « soutiennent toujours leurs fils ». Mais il semble que cette solidarité ait une étrange définition : beaucoup de bruit pour rien. Sima Mboula, cet enfant prodige du Nord, n’a pourtant pas demandé la lune. Juste une aide pour se soigner à l’étranger. Mais voilà, dans ce pays, il est plus facile de trouver une réunion de village avec buffet gratuit qu’un geste concret pour aider un compatriote en difficulté.
Ce qui choque le plus, ce n’est pas l’indifférence, c’est l’hypocrisie. Où sont les « grandes figures » du Grand Nord qui adorent se pavaner devant les caméras lors des cérémonies officielles ? Où sont les généreux mécènes qui financent à tour de bras des campagnes politiques, mais se perdent dès qu’il s’agit de sauver une vie ?
Un pays où la compassion est un luxe importé
Mais ne blâmons pas uniquement le Grand Nord, ce serait trop facile. L’indifférence envers Sima Mboula est un sport national au Gabon, pratiqué à tous les niveaux, des ministères aux trottoirs. Le Premier ministre, Raymond Ndong Sima, a été directement interpellé par l’artiste. La réponse ? Un silence aussi assourdissant que la salle vide d’un concert oublié. Peut-être attend-il que Sima Mboula s’efface pour organiser une belle cérémonie posthume avec des discours interminables et des couronnes de fleurs à gogo. Après tout, au Gabon, on célèbre mieux les morts que les vivants.
Et les fans ? Parlons-en. Ils ont toujours une chanson de Sima Mboula en fond sonore lors de leurs soirées, mais dès qu’il s’agit de contribuer à une cagnotte pour son traitement, les poches se vident plus vite qu’un verre de vin rouge dans un maquis de Libreville. Solidarité ? Un concept pour les manuels scolaires, semble-t-il.
Le Gabon, terre des grands discours et des petites actions
Le cas de Sima Mboula met en lumière un problème plus vaste : l’art consommé de l’hypocrisie nationale. On aime crier haut et fort que « le Gabon est une terre de talents », mais ces talents, une fois brisés, sont jetés aux oubliettes. Les artistes, sportifs et autres figures nationales ne sont bonnes qu’à orner les affiches ou divertir les foules. Mais dès qu’ils deviennent un « fardeau », ils sont balayés d’un revers de la main.
Et ne parlons même pas des institutions culturelles, qui devraient être en première ligne. Elles sont trop occupées à rédiger des communiqués inutiles ou à organiser des galas pour célébrer des « talents émergents » tout en ignorant ceux qui les ont précédés.
Un dernier espoir pour ne pas mourir seul
Sima Mboula, lui, continue d’espérer. Peut-être qu’un jour, un ressortissant du Grand Nord ou un responsable politique daignera lever le petit doigt pour lui venir en aide. Peut-être que les Gabonais, dans un sursaut de lucidité, se rappelleront que leurs artistes méritent plus que des larmes versées sur leurs tombes.
Mais en attendant, il reste seul face à son combat, dans un pays où la compassion semble être un mot étranger. Sima Mboula a chanté pour le Gabon. Aujourd’hui, il prie simplement pour que le Gabon chante enfin pour lui. Avant qu’il ne soit trop tard.
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