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Politique

Procès du chauffeur de BLA : Me Gey, « vous êtes la victime collatérale d'un jeu qui vous dépasse… »

IMG L' ancien chauffeur de BLA quand il était en fonction.

L’ancien chauffeur de BLA est accusé de concussion et blanchiment des capitaux. Sa défense demande la libération pure et simple du sous-officier. Lecture du compte rendu d’audience rédigé par  S.O.S Prisonniers.

 

 

Le Tribunal Spécial Correctionnel a jugé ce vendredi 27 mai 2022 Niarra Mackoundji Lemerre, Sergent Chef à la Garde Républicaine, détaché en qualité de chauffeur de Brice Laccruche Alliangha, Directeur de Cabinet du Président de la République au moment des faits.

 

L'ancien chauffeur du Directeur de Cabinet du Président de la République était à la barre des chefs d'accusation de concussion, blanchiment des capitaux. Des délits prévus et punis par les articles 127 et 378 du Code pénal gabonais. Placé en garde à vue le 5 décembre 2019, puis placé sous mandat de dépôt le 21 octobre 2020. Après la lecture de la Présidente du Tribunal de céans de l'ordonnance de renvoi devant le Tribunal Spécial, la Parole a été donnée au prévenu, pour donner sa version des faits à la barre.

 

Ce dernier explique que courant novembre 2019, après l'arrestation de son Patron, Brice Laccruche Alihanga, ancien Directeur de Cabinet du Président de la République, il avait été convoqué à la Garde Républicaine par Brice Oligui pour lui poser des questions sur son travail ou mission avec BLA. Quelques jours après cette première convocation, il a encore été convoqué une 2ème fois à la GR.

 

Une fois devant Brice Oligui, le Sergent Chef - chauffeur va apprendre que lors de sa première convocation, il n'aurait pas dit toute la vérité, qu'il a caché des informations sur ses missions avec le Directeur de Cabinet du Président de la République (DCPR) Brice Laccruche. En présence de certains agents de la Direction Générale de Recherche (DGR), il a été à nouveau interrogé sur le fait que BLA aurait fait venir des mercenaires au Gabon.

 

Aussitôt, la Présidente du Tribunal Spécial dit à monsieur Niarra que "le Tribunal a été saisi pour les faits de Blanchiment et non l'affaire des mercenaires."

 

Ainsi, le Tribunal l'invite à dire comment il avait été nommé comme chauffeur du DCPR. Il explique que c'était un détachement de sa hiérarchie et qu'il n'avait jamais demandé d’être détaché ou nommé, et qu'il a seulement passé huit mois comme chauffeur du DCPR. Après, il a été affecté auprès de la femme du Directeur de Cabinet, toujours en qualité de chauffeur.

 

Il ajoute qu'il percevait une prime de 300.000 FCFA chaque fin du mois, et que tous les agents de sécurité affectés au Cabinet de BLA percevaient aussi cette prime. A cela s'ajoute une 2ème prime, qu'il a appelée "Prime du Palais" de 150.000 FCFA payée au Secrétariat de la Présidence de la République.

 

Une autre question du Tribunal:

 

Avant votre affectation à côté de BLA vos primes étaient de combien ?

 

Réponse : “80.000 FCFA”

 

Question du Tribunal : “Vous percevez également une prime de 30 millions pour Brice Laccruche Alihanga ?”

 

Réponse : “Je ne percevais pas cet argent directement de BLA. C'était une prime de charge fixe, c'était pour les besoins de la famille de BLA.“ La Présidente du Tribunal pose encore une autre question. "Vous avez déclaré devant le juge d'instruction que vous perceviez également des bonus ?"

 

Réponse : “C'était au retour d'une mission à Franceville, j'avais reçu un bonus de 5 millions. Tous les agents qui étaient à cette mission avaient aussi perçu cette somme.”

 

Après, survint la question sur les coffres forts qui avaient été déterrés au domicile de BLA.

 

Le Sergent Chef explique au Tribunal qu'une fois, le parapheur que le Président de la République allait signer avait disparu. Le Directeur de Cabinet s’était mis en colère. C’est suite à cela que BLA a acheté les coffres, et chaque parapheur devait désormais être mis à l'intérieur des coffres qui seront gardés à la maison.

 

Mais les coffres n'avaient plus jamais été utilisés selon le chauffeur, et vu que la villa où étaient les coffres avait été mise en location, ce dernier a donc pris l'initiative de demander au maçon de les enterrer “pour que cela ne soit plus visible au parking. En plus, ça prenait de la place.” Mais après l'arrestation de BLA, c'est le maçon qui était parti dire à la DGR qu'il connaît ou les coffres ont été enterrés et c'est lui qui était resté avec les clés des coffres.

 

Quand les agents étaient venus pour déterrer les coffres, ils filmaient. Le Sergent chef chauffeur explique qu’il avait aussi demandé au capitaine Misère de filmer également quand le soudeur va ouvrir les coffres. (Ce qui n’a pas été fait). Car il n' y avait pas d'argent à l'intérieur et les coffres n'avaient pas été ouvert, a martelé le Sergent Chef.

 

L'ex chauffeur du DCPR poursuit. Cette fois-ci, il révèle qu'il avait reçu également une somme de 100 millions de la part de Yann Koubdje, le directeur du Trésor Public, pour la salle de Sport de BLA. Cet argent avait été remis à un certain Ogoulguéndé dont personne n'a de nouvelles.  La destination finale prise par  cet argent est aussi inconnue. Car la salle de Sport n'a jamais été livrée

 

L'avocate de l'Etat, Me Agondjo, va faire observer au Tribunal que "pendant l'enquête préliminaire, le prévenu avait dit qu'il a reçu cet argent des mains de BLA, mais aujourd'hui il dit qu'il a reçu l'argent entre les mains de Yann Koubdje.”

 

La Présidente du Tribunal Spécial pose la question de savoir s’il a déclaré avoir distribué au moins 20 voitures.

 

Le prévenu dira que certaines voitures avaient été distribuées à la Police Judiciaire, une voiture à Malaika, la fille du Président, une voiture au fils du Président et une autre voiture à Yann Koubdje. Il ajoute qu'il n'était qu'aux ordres quand on lui dit d'aller déposer une voiture à tel endroit, il ne faisait qu'exécuter.

 

Quant à son patrimoine personnel, le Sergent Chef va reconnaître qu'avant qu'il ne soit affecté chez BLA, il avait déjà acheté deux taxis, et avec les 5 millions que BLA lui avait remis après la mission de Franceville, il avait acheté une autre voiture. Mais quand il avait été arrêté, il ne lui restait qu'une voiture, celle qui a été saisie. Les autres voitures avaient été vendues. Et quand il a été détaché comme chauffeur de BLA, il a pu entreprendre la construction de deux maisons qui sont toujours inachevées à ce jour.

 

Me Agondjo, avocate de la partie civile, va faire lecture du Procès Verbal d'interrogatoire. Dans ce Procès Verbal, le Sergent Chef affirme que la femme de BLA lui avait donné une voiture.

 

Quelque temps après, Me Gey l'un des avocats de la défense, intervient. Il demande à son client de revenir sur la prime de 30 millions. Cette fois-ci, l'ex chauffeur de l'ex DCPR donne plus de détails de cette prime de 30 millions :

 

12 millions pour les loyers de 5 maisons

 

(1 pour sa mère, 1 pour le logement du DCPR à LBV- 1 pour son bureau d'appoint, 1 à Franceville, 1 maison où il passait le temps avec le fils du Président.)

5 millions pour les agents de gardiennage de DMT

3 millions pour les agents de la Garde Républicaine qui montaient la garde chez le DCPR.

1.500.000 fcfa carburant des véhicules.

1.500.000 FCFA Pâtisserie Paul.

6.000.000 FCFA pour la tente de Ndombolo location qui servait de local pour les agents de la Garde républicaine qui résidaient au domicile du DCPR

700.000fcfa pour Jardi-gab, l'entretien d'espace vert.

Les 300.000 FCFA qui restaient étaient généralement mis à la disposition des agents de sécurité qui avaient des soucis.

 

Le Tribunal lui pose encore la question de savoir “qu'est ce qu'on vous a reproché lors de votre arrestation ? ” Il répond qu’il avait été arrêté pour tentative de coup d'État, association de malfaiteur, complicité de détournement, blanchiment de capitaux. Il ajoute qu'il a passé 10 mois en garde à vue.

 

Me Anges, l'un des avocats de la défense, va ajouter que la garde à vue a une durée dans le temps, donc il s'agit d'une prise d'otage et non de la garde à vue. Après plus de deux heures de débats, la parole est à nouveau à la partie civile pour les plaidoiries.

 

Me Agondjo, sur le délit de concussion. Elle revient sur sa définition selon l'article 127 du Code pénal gabonais. Elle ajoute que l’indélicat avait un salaire de 600.000 FCFA / mois, percevait une prime de 150.000 FCFA et une de 300.000 FCFA comme fond légal. Mais il percevait une prime de 30 millions de fcfa entre les mains de BLA, cet argent servait à entretenir les maîtresses et la Famille des BLA, dit l'avocate.

 

Sur le Blanchiment des capitaux, le prévenu ne peut pas apporter de preuve de la licéité de ses biens.

 

L'avocate demande au tribunal de le déclarer coupable des deux infractions susmentionnées, d'ordonner la confiscation des deux villas en construction y compris la voiture, avec 100 millions de dommages intérêts. Le Ministère Public va rappeler au Sergent Chef que, quand il s'agit d'un ordre illégal, on ne peut pas obéir, même si l'ordre viendrait du chef. Il ajoute que le prévenu a reçu des sommes d'argent qui ne reposent sur aucune base légale.

 

Sur le blanchiment des capitaux, le Procureur de la République a rappelé que les biens acquis par Monsieur Niarra Mackoundji Lemerre ne sont pas justifiés et que cet argent provenait des détournements de Brice Laccruche Alihanga.

 

Il invite la Présidente à ne pas se laisser berner. Il s'interroge : Comment avec un salaire de près de 700.000fcfa, il peut louer une villa de luxe de 500. 000 FCFA ? Il ne doit pas bénéficier des circonstances atténuantes.

 

Il requiert 7 ans d'emprisonnement avec 10 millions d'amende, la confiscation de tous les biens litigieux. Il ordonne la publication de la décision au journal officiel ou dans un journal d'annonces légales.

 

Les plaidoiries de la défense.

 

Me Anges Nzigou commence à plaider du côté de la défense. L'avocat revient sur les conditions d'arrestation de son client. Il précise que son client a passé 9 mois en garde à vue au B2. "Si vous regardez son dos, vous allez voir les brûlures au dos.” Il a été torturé, brûlé au dos.

 

Me Anges ajoute que nous sommes dans une salle d'audience, où la Justice est rendue. Mais son client à passé 9 mois de garde à vue au B2 et torturé, mais cela n'émeut pas le Ministère Public. L'avocat révèle que son aîné et confrère Me Foumane avait adressé un courrier au Procureur de la République, pour lui signifier que Niarra Mackoundji Lemerre était déjà à son 6e mois de garde à vue au B2, sans recevoir aucune visite d'un membre de sa famille.

 

Suite à cela, le Procureur de la République avait envoyé un soit transmis au B2, pour demander au B2 de lui faire état de cette affaire. Selon Me Nzigou, le soit transmis du Procureur de la République disait que " (...) si les faits relevés par Me Foumane étaient avérés, c'est une grave violation des règles de Procédure. "

 

Après quelques mois, le Procureur de la République a envoyé un 2ème soit transmis au B2, pour demander pourquoi Niarra n'est il toujours pas déféré au Parquet de la République, si les faits relèvent du droit commun ?

 

Me Nzigou qualifie cette procédure de "Blanchiment judiciaire."

 

Quant à Me Gey, il dit à son client "Vous êtes la victime collatérale d'un jeu qui vous dépasse."

 

Il ajoute que "le dossier est vide comme un radin."

 

Sur les infractions de concussion et Blanchissement des capitaux, l'avocat souligne qu'aucune de ses infractions n'est constitutive.

 

Le 3e avocat de Niarra Mackoundji Lemerre, Me Fang Mve, dit que " l'État gabonais a des comptables. Où est le rapport du comptable qui nous renseigne sur le montant disparu ? On parle de malversation financière, ou sont les rapports qui démontrent qu'il y a eu détournement ? Ce jeune a eu le malheur d'être dans l'entourage du Directeur de Cabinet du Président.”

 

Les 3 avocats de la défense ont demandé la relaxe pure et simple de leur client.

 

Après plus de 4h d'audience, l'affaire a été mise en délibéré pour le 10 juin prochain.

 

SOS Prisonniers Gabon, pour l'Indépendance de la Justice

HUMANISONS LES PRISONS

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