Le « Mouvement des Bâtisseurs » : ratisser large, capter les voix des déçus, des frustrés et des électeurs en quête de renouveau

Brice Clotaire Oligui Nguema lors de l'annonce officielle de sa candidature.

Le 8 mars dernier, Brice Clotaire Oligui Nguema a dégainé une carte politique aussi audacieuse qu’inattendue : la création du « Mouvement des Bâtisseurs », une plateforme qui se veut citoyenne, fédératrice et, surtout, incontournable dans la course à la présidentielle de 2025. Exit le parti politique traditionnel, vive le grand rassemblement sans étiquette ! Un air de déjà-vu ? Absolument. Car derrière cette initiative, c’est une recette bien connue qui se dessine : un savant mélange de marketing politique et d’attrape-tout électoral, digne du fameux « En Marche ! » d’Emmanuel Macron en France.

Un génie du centrisme... ou une esquive bien rodée ?

L’argument est limpide : « la création d’un parti n’est pas une option viable », dixit Oligui Nguema. Traduction : un parti classique traîne son lot de caciques, de querelles intestines et de vieilles alliances embarrassantes. Alors, pourquoi s’encombrer d’une structure rigide quand on peut séduire tout le monde à la fois ? Avec son « Mouvement des Bâtisseurs », le président de la transition mise sur une plateforme aux contours flous mais aux ambitions claires : ratisser large, capter les voix des déçus, des frustrés et des électeurs en quête de renouveau.

Macron l’avait compris en 2016 : la politique moderne se joue sur une image de rupture habilement contrôlée. Trop ancré dans un parti ? Vous êtes un dinosaure. Trop solitaire ? Vous êtes un amateur. Mais entre les deux, il y a un espace politique à occuper, et c’est précisément celui qu’Oligui Nguema veut investir.

Un appel au peuple… soigneusement orchestré

« J’invite toutes les forces vives de la nation à s’y rassembler. » Un bel élan lyrique, digne des grands classiques de la rhétorique populiste. Mais qui sont ces « forces vives » censées répondre à l’appel ? Des citoyens convaincus ou des opportunistes en quête d’un ticket gagnant ?

Car si la promesse d’ouverture semble alléchante, le véritable test sera la capacité du « Mouvement des Bâtisseurs » à exister en dehors de son fondateur. À l’image d’En Marche !, qui fut longtemps confondu avec Macron lui-même, cette initiative risque d’être perçue comme un one-man-show politique. La différence ? Macron a pu transformer son mouvement en une machine électorale redoutable. Oligui Nguema, lui, doit composer avec un paysage politique plus fragmenté, où les partis historiques et la société civile ne se laisseront pas facilement séduire.

Un pari risqué mais bien calculé

Derrière cette stratégie, il y a une évidence : Oligui Nguema veut éviter les étiquettes traditionnelles tout en gardant un contrôle total sur son projet politique. Un parti officiel l’aurait contraint à composer avec des barons locaux, à négocier des investitures et à rendre des comptes à des structures internes. Un mouvement, en revanche, c’est beaucoup plus flexible : on y entre comme on en sort, on y adhère sans s’engager, et surtout, on y suit un leader sans avoir à discuter ses décisions.

Mais attention, le succès d’un tel modèle repose sur un facteur clé : l’adhésion populaire. Et là, tout reste à prouver. Car si le concept séduit sur le papier, encore faut-il que le terrain suive. L’électorat gabonais, échaudé par des années de promesses politiques, ne se contentera pas d’une énième initiative présentée comme « citoyenne ». Le risque d’un mouvement sans colonne vertébrale est réel, et les premiers mois de campagne seront cruciaux pour tester la solidité de cette construction politique.

Bâtisseurs ou illusionnistes ?

En somme, le « Mouvement des Bâtisseurs » est une manœuvre habile, mais aussi un pari à haut risque. S’il parvient à mobiliser une base solide et à s’imposer comme une alternative crédible, il pourrait redessiner le paysage politique gabonais. Mais s’il peine à dépasser le stade de la coquille vide, il ne sera qu’un slogan de campagne de plus, promis à l’oubli dès le soir du scrutin.

Alors, Oligui Nguema bâtit-il réellement un nouvel édifice politique ou pose-t-il juste des échafaudages pour sa propre ascension ? Réponse en 2025. D’ici là, les premiers murs devront tenir debout… et surtout convaincre.