Difficultés d’accès aux marchés, code des marchés publics caduque, absence de financement et d’accompagnement de l’Etat, réticence des banques… les petites et moyennes entreprises gabonaises ferment les unes après les autres « boutiques ». Entrepreneur gabonais, Paul Christian Mackoundi évoque dans cette interview les raisons de ce marasme en plus des suggestions pour parvenir à créer des champions locaux dans différents secteurs. Lecture.
Dans le secteur des Travaux publics, comme dans d’autres secteurs, l’on constate qu’il est difficile de voir émerger des entrepreneurs locaux qui deviennent des modèles de réussite. D’après vous à quoi est due cette situation ?
Je tiens, avant tout, à vous remercier de l’opportunité que vous offrez au chef d’entreprise gabonais que je suis de m’exprimer sur les difficultés que nous rencontrons afin de faire prospérer nos entreprises et partant à contribuer au développement de notre pays. Maintenant, pour répondre directement à votre interrogation, il faut relever qu’il n’y a pas de solution miracle. La réussite des « champions locaux » passe par la détermination des gouvernants à mettre en place un cadre propice à leur éclosion. Pour y arriver, il faut par exemple, entre autres, que l’exécutif procède à la révision de plusieurs points du code des marchés publics.
Lesquels par exemple ?
Sous la section 2 portant sur le régime de préférence nationale, le gouvernement doit revoir l’article 120 sur la préférence nationale. Le pourcentage des marchés octroyés aux gabonais doit dépasser les 60%. Or, aujourd’hui dans le code des marchés publics il n’y a pas de pourcentage accordé aux gabonais. Il y a un vide sur ce point. Ce vide ne favorise pas le développement des entreprises locales mais avantage plutôt les entreprises étrangères.
Tenez-vous bien, en dépit de l’article 188 du code des marchés qui suggère aux grandes entreprises de donner 30% des activités de sous-traitance aux PME-PMI locales, les grandes entreprises n’en font rien. La plupart des grandes entreprises refusent de sous-traiter une partie de leurs travaux alors que le code des marchés publics le prévoit. Nous souhaitons qu’il soit ajouté dans ce bréviaire des dispositions contraignantes. Cette requête a été formulée depuis des années par les PME-PMI sans aucune suite.
Mais certaines grandes entreprises indiquent, en réponse, que très souvent les PME-PMI gabonaises ne disposent pas de l’expertise et des moyens financiers nécessaires pour exécuter les travaux ? Qu’en dites-vous ?
C’est discutable. Dans certains grands marchés, les grandes entreprises étrangères préfèrent utiliser leurs propres entreprises sous-traitantes alors qu’il y a dans le pays des entreprises locales qui ont fait la preuve de leurs compétences. Dans le BTP, la société Mika Service a fait ses preuves dans la réalisation des chantiers routiers dans le pays. Cette entreprise nationale va plus loin en n’hésitant pas à sous-traiter avec les PME.
Non, le seul problème c’est l’absence de volonté des pouvoirs publics à accompagner les entreprises locales pour fabriquer « des champions locaux ». Cela est par exemple perceptible sur le plan financier. L’Etat n'accompagne pas la PME gabonaise. Les banques sont, elles aussi, réticentes à accompagner les entreprises dans la réalisation des chantiers du fait des paiements souvent tardifs de l’Etat. Tout cela mélangé, on tombe dans un cycle qui n’est pas vertueux pour le développement des entreprises locales.
Comment justement sortir de cette situation ?
Comme indiqué plus haut, pour créer les champions nationaux, le gouvernement doit revoir le code des marchés publics. Mais pas que. Le gouvernement doit aussi prendre des mesures courageuses. Nous souhaitons par exemple, que désormais, un représentant du patronat soit membre de la Commission d’évaluation des offres (CEO). Ce dernier en siégeant avec les autres membres des administrations, avec une voix délibérative, pourra mieux protéger les entreprises nationales face à la concurrence étrangère en plus de travailler à la transparence dans l’octroi des marchés.
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