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Île Mbanié : 20 hectares d’égo et de pétrole Le Gabon et la Guinée équatoriale attendent que la CIJ tranche

IMG Cour internationale de Justice va donner sa décision le lundi prochain. Montage photo Gabonreview.

Lundi 19 mai 2025, la Cour internationale de Justice (CIJ) rendra son verdict dans un conflit qui ferait rire si ses protagonistes n’étaient pas aussi sérieux : le différend territorial opposant le Gabon à la Guinée équatoriale autour de l’île Mbanié, caillou tropical de 20 hectares, sans habitant, sans poules, sans route, mais avec un potentiel pétrolier assez juteux pour transformer un récif en pomme de discorde géopolitique.

 

Ce sera donc à 15 heures, dans le très diplomatique Palais de la Paix de La Haye, que les deux pays sauront enfin à qui revient le droit de poser un drapeau sur un amas de terre que personne n’a jamais vraiment colonisé, mais que chacun revendique avec la même ferveur qu’un trésor volé.

 

Quand le nationalisme rime avec ridicule

Depuis des années, la Guinée équatoriale et le Gabon rejouent une sorte de théâtre d’ombres aux allures d’opérette diplomatique. D’un côté, Malabo, qui se rêve en petit géant régional à coups de mégaprojets et d’autoritarisme pétrolier ; de l’autre, Libreville, encore groggy de ses transitions successives, mais bien décidé à ne pas perdre un centimètre de souveraineté, surtout pas face à un voisin dont la posture conquérante agace jusque dans les chancelleries les plus patientes.

 

L’île Mbanié n’a jamais vu la queue d’un électeur ni d’un panneau "Bienvenue". Elle n’a ni école, ni hôpital, ni même une cabane de douaniers. Mais depuis que les cartes pétrolières ont commencé à clignoter autour de ses côtes, elle est devenue la diva de ce duel d’égo. Soudain, deux nations se découvrent une passion brûlante pour un territoire que même les manuels de géographie ignoraient jusqu’alors.

 

La CIJ comme baby-sitter de la fierté nationale

Le compromis a été signé en 2016 histoire de montrer qu’on est civilisé, entré en vigueur en 2020 parce que la lenteur est une stratégie, et la CIJ a été saisie en 2021. Il aura fallu attendre 2024 pour entendre les plaidoiries, et 2025 pour espérer clore ce vaudeville. Entre-temps, les deux États ont déployé l’artillerie lourde : avocats internationaux, traités coloniaux poussiéreux, cartes coloniales retravaillées, et rhétorique patriotique à usage électoral.

Pendant ce temps, ni le Gabon ni la Guinée équatoriale n’ont réglé leurs propres fractures internes. Le premier traverse une période de transition politique incertaine, le second reste une monarchie héréditaire déguisée en république. Mais face à l’île Mbanié, chacun retrouve miraculeusement un sens de l’unité nationale. Ironie, quand tu nous tiens.

 

Et après ? L’île aux illusions…

Qu’importe ce que dira la Cour : le pays perdant criera à l’injustice coloniale, à la manipulation néocoloniale, à la trahison cartographique. On criera à la partialité des juges, on ressuscitera des documents oubliés, on convoquera l’Union africaine dans l’indifférence générale. Le peuple, lui, continuera d’ignorer jusqu’à l’existence de Mbanié, trop occupé à survivre à l’inflation, à l’instabilité et à la panne d’électricité.

 

En fin de compte, ce conflit n’aura jamais porté sur une île. Il parle du besoin, pour des régimes fragiles, de se construire des ennemis externes quand l’autorité interne vacille. Mbanié est un miroir grossissant de ce que sont devenus certains États africains : plus soucieux de tracer des frontières fictives que de construire des nations réelles.

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