Le spectacle devant l’Assemblée nationale a enfin pris fin, mais pas sans laisser un arrière-goût d’absurde sur la scène publique. Pendant 13 jours, des recalés au concours d’entrée à l’École nationale d’administration (ENA) ont tenu le siège, accusant leur non-admission d’être moins liée à leurs compétences qu’à un savant mélange de fraude, d’arbitraire et de « politique du piston ».
Ces apprentis hauts fonctionnaires ont choisi une méthode originale pour faire entendre leurs doléances : une grève de la faim. Apparemment, quand l’administration ne vous ouvre pas ses portes, il faut mourir devant celles de l’Assemblée pour espérer qu’on vous écoute. Cela dit, après 13 jours sans manger, ils ont appris une chose : la politique au Gabon est une véritable école de l’endurance.
Fraudes ou farces administratives ?
Derrière les banderoles et les visages émaciés se cachent des accusations graves. Les candidats recalés affirment que les résultats du concours étaient entachés d’irrégularités. « On a fait de l’ENA une loterie nationale où les gagnants ne sont pas forcément ceux qui tirent les meilleurs numéros, mais ceux qui connaissent les bonnes personnes », a fulminé l’un des manifestants.
Pourtant, l’ENA, temple sacré de la méritocratie, est censée former les futurs cadres d’un État digne et intègre. Mais à entendre les manifestants, la porte d’entrée de cette institution prestigieuse serait devenue une brèche pour les initiés, où fraude et favoritisme se partagent la clé.
Des réponses sur fond d’incertitude
La suspension de leur mouvement, annoncée triomphalement par leur porte-parole Juldas Stévince Biwagou, est le fruit de rencontres avec des autorités « très haut placées » ces figures mystérieuses de la transition qui ont juré de répondre « avec diligence ». Les recalés, dans une démonstration spectaculaire de naïveté, ont donc choisi d’accorder leur confiance, comme si la diligence administrative au Gabon n’était pas une promesse aussi vague qu’un discours de campagne électorale.
« Nous avons confiance en ces autorités », a répété le porte-parole, les yeux pleins d’espoir, comme si cette phrase suffisait à conjurer les spectres de l’oubli et du mépris. Pendant ce temps, d’autres recalés, moins optimistes, se préparent déjà à une reprise du combat, convaincus que les promesses politiques ne valent souvent pas le papier sur lequel elles ne sont pas écrites.
L’ENA, miroir d’un système
Au-delà du simple fait divers, cette affaire met en lumière un problème bien plus profond : l’état de l’administration gabonaise. Comment espérer former une élite compétente et intègre dans un pays où même l’accès à la formation est perçu comme biaisé ?
Les recalés de l’ENA ont peut-être échoué au concours, mais ils ont réussi à exposer un système où le mérite semble parfois être un mot creux. Leur combat pourrait être le symbole d’un ras-le-bol générationnel face à une administration qui peine à incarner les valeurs qu’elle est censée défendre.
Pour l’heure, le collectif des recalés attend, suspendu entre espoir et résignation. Quant aux autorités, elles ont une chance unique de montrer que l’ENA peut redevenir une école de la République, et non un club réservé aux mieux connectés. Mais attention : comme l’a prouvé cette grève de la faim, même un recalé peut devenir un os dur à ronger.
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