Acheter un hôtel particulier de luxe en plein cœur de Paris pour « renforcer son image à l’international », puis le vendre pour éponger ses dettes. Voilà un schéma qui résume parfaitement l’art et la manière dont certains États africains, dont le Gabon, s’embourbent dans des décisions économiques dignes d’une comédie dramatique. Aujourd’hui, l’hôtel particulier Pozzo di Borgo, situé dans le très chic 7ᵉ arrondissement de Paris, fait la une. Non pas pour son architecture ou son histoire, mais pour la bataille féroce que se livrent les magnats du capitalisme mondial afin de s’en emparer.
Bernard Arnault, PDG de LVMH et numéro un des fortunes françaises, revient à la charge après une pause stratégique. Avec un flair infaillible pour les affaires, il convoite ce joyau immobilier estimé à 200 millions d’euros, soit le double de ce que l’État gabonais avait déboursé en 2010. À l’époque, ce « coup de maître » immobilier avait été vendu à l’opinion publique comme un symbole de grandeur. Ironiquement, quinze ans plus tard, le Gabon tente de se débarrasser de cet éléphant blanc pour se renflouer. Et le tableau prête à rire : un pays riche en pétrole, en bois précieux et en biodiversité vend un bien à Paris pour payer ses factures.
Un luxe inutile en pleine indigence nationale
Soyons honnêtes : qu’est-ce qu’un État comme le Gabon faisait avec un hôtel particulier de cette envergure ? Était-il censé être une vitrine diplomatique ? Une maison de vacances pour les élites gabonaises de passage à Paris ? Ou simplement un trophée pour flatter l’ego d’une présidence déjà surdimensionnée ? Pendant que Libreville investissait dans des salons dorés à Paris, des hôpitaux manquaient de matériel et des villages n’avaient toujours pas accès à l’eau potable. Mais pourquoi se soucier des priorités nationales quand on peut avoir une adresse prestigieuse à deux pas de la Tour Eiffel ?
Aujourd’hui, ce fiasco économique est entre les mains d’une « taskforce » dirigée par François-Auguste Akomezogho, ancien directeur des Impôts. Mission : vendre rapidement, éviter les créanciers qui tournent autour comme des vautours, et, si possible, récupérer les 200 millions d’euros espérés pour alléger la dette publique. Mais soyons sérieux : une fois les dettes réglées, combien restera-t-il pour les Gabonais ? Probablement pas assez pour couvrir les trous béants laissés par des décennies de mauvaise gestion.
Bernard Arnault : bienfaiteur ou opportuniste ?
Et que dire du grand Bernard Arnault dans tout cela ? L’homme n’est pas devenu l’une des plus grandes fortunes mondiales en faisant du bénévolat. Son retour dans cette course à l’acquisition n’a rien d’un hasard : il sait flairer les opportunités, surtout quand elles sont désespérées. En bon prédateur capitaliste, il a tout à gagner dans ce deal. Non content d’ajouter une énième pépite à son empire immobilier, il pourrait même se présenter comme le sauveur d’un État en crise. Mais ne nous y trompons pas : ce rachat, s’il se concrétise, sera d’abord et avant tout une victoire personnelle pour le PDG de LVMH. Quant aux Gabonais ? Ils se contenteront, comme toujours, d’être spectateurs.
Un héritage de mauvaise gestion
Cette situation n’est pas seulement l’histoire d’un hôtel particulier. C’est le miroir d’une gestion politique et économique calamiteuse qui a transformé un pays aux ressources naturelles impressionnantes en un débiteur chronique. Le Gabon a souvent été présenté comme un modèle de stabilité et de prospérité en Afrique centrale. Pourtant, derrière les chiffres officiels et les discours lénifiants, c’est un État qui a dépensé sans compter, accumulé les dettes et dilapidé des ressources qui auraient dû profiter à ses citoyens.
Une farce diplomatique et économique
Ce qui rend l’affaire encore plus grotesque, c’est son impact sur les relations franco-gabonaises. À l’heure où Libreville prône un « partenariat rééquilibré » avec Paris, la vente d’un bien emblématique à une fortune française donne une impression de dépendance accrue. En cédant Pozzo di Borgo à Bernard Arnault ou à un autre magnat étranger, le Gabon ne fait que renforcer l’image d’un État incapable de gérer son patrimoine, obligé de vendre ses bijoux de famille pour rester à flot.
Mais peut-être que tout cela n’est qu’une leçon d’humilité. Après tout, il est difficile de maintenir un standing de luxe lorsque les caisses sont vides. Que le Gabon vende cet hôtel ou qu’il le conserve, l’essentiel est ailleurs : les Gabonais attendent des solutions durables, pas des opérations cosmétiques qui ne résolvent rien sur le long terme.
L’hôtel particulier Pozzo di Borgo continue d’incarner, à sa manière, l’ironie tragique d’une nation qui, malgré ses richesses naturelles, doit se contenter de vivre des restes de ses décisions passées. Paris brille, Libreville rame, et les magnats du luxe se frottent les mains. Que demander de plus ?
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