Après une transition de près de deux ans, le Gabon se prépare à une élection présidentielle qui s’annonce palpitante… du moins sur le papier. Car en coulisses, le scénario semble déjà écrit. Brice Clotaire Oligui Nguema, chef de la transition et star montante de la démocratie « guidée », a décidé d’entrer sur le ring électoral. Mais pour certains observateurs, ce combat s’apparente davantage à une compétition où l’arbitre, les juges et l’organisateur ont tous un maillot floqué du même nom.
Si les fidèles du CTRI (Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions) voient en lui l’homme providentiel, d’autres, à l’image de Jacques Okoué, président de la Fondation pour la bonne gouvernance en Afrique, crient à la « forfaiture en préparation ». L’opposant inflexible a d’ailleurs saisi l’Union africaine et la Cour africaine des droits de l’homme pour invalider cette candidature qu’il juge aussi légitime qu’une compétition de natation en plein désert.
Un match joué d’avance ?
La transition, censée remettre le pays sur les rails après l’éviction du régime Bongo, devait accoucher d’un processus démocratique exemplaire. Mais, surprise, le chef de la transition se porte candidat ! Dans une mise en scène quasi hollywoodienne, des partis politiques, jadis pourfendeurs du pouvoir militaire, appellent désormais à son sacre. Soudain, la mémoire semble vaciller : l’article 25 alinéa 4 de la Charte de l’Union africaine, qui interdit aux putschistes de briguer un mandat sous leur propre transition, devient un détail anecdotique. Le Code électoral gabonais ? Une simple formalité. Le statut des militaires ? Une broutille.
La pilule a du mal à passer pour Jacques Okoué, qui fustige l’Union africaine : « L’UA ne peut pas être simple spectatrice d’une élection où un candidat piétine ses propres engagements. Ça n’a pas de bon sens ! » Mais que vaut une Charte quand le jeu du pouvoir est en marche ? Les institutions internationales, si promptes à dégainer des communiqués, risquent fort de se réfugier derrière leur rituel favori : l’observation passive.
L’opposition : la girouette nationale
Autre surprise (encore une ?), les partis politiques qui, hier, juraient que « jamais, ô grand jamais ! » ils ne soutiendraient une transition prolongée, semblent soudain frappés d’amnésie. « Il a su stabiliser le pays », « Nous devons penser à l’intérêt supérieur de la nation », « Il faut reconnaître son bilan »… autant d’arguments que l’on entend désormais dans les couloirs feutrés des états-majors politiques.
Pour Jacques Okoué, ce retournement de veste collectif ressemble à une grande braderie des principes démocratiques : « Ces politiciens changent de discours dès qu’ils aperçoivent une place à prendre dans le prochain gouvernement ! » Il appelle les Gabonais à sortir de leur léthargie et à ne pas se laisser séduire par « cette mascarade électorale ».
L’international en renfort : une menace réelle ou du vent ?
Ne comptant pas s’arrêter à une simple déclaration d’indignation, Jacques Okoué promet une offensive judiciaire et financière contre le CTRI. Déjà, il a saisi la Cour africaine des droits de l’homme à Arusha, espérant obtenir un verdict contre cette candidature. Il envisage également de faire pression sur le FMI et la Banque mondiale pour freiner les financements à un régime qu’il juge « illégitime ». Et pour ceux qui pensent que cette affaire restera une simple bataille de communiqués, Okoué promet de frapper plus fort : « Nous allons attaquer sur tous les fronts ! Nous avons la force du droit avec nous. Ce n’est que le début ! »
Un Gabon pris en otage par son histoire ?
À quelques semaines de la présidentielle, le pays est suspendu à une interrogation : l’élection sera-t-elle un véritable scrutin ou une formalité ? L’histoire politique du Gabon a souvent été marquée par des processus électoraux verrouillés, où l’issue ne faisait guère de doute. Cette fois encore, les dés semblent pipés.
Si Oligui Nguema l’emporte, ce sera sans surprise. Si l’Union africaine, la communauté internationale et la justice africaine restent silencieuses, ce sera une énième preuve que, sur le continent, la démocratie reste un concept malléable, façonné selon les intérêts des puissants. D’ici là, les Gabonais, eux, restent spectateurs d’un match dont ils ne sont que les figurants. Un sport de combat où le gagnant semble déjà désigné avant même que la cloche ne retentisse.
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