Jean-François Ntoutoume Émane a finalement lâché le morceau. À 85 ans, l’ancien Premier ministre a annoncé qu’il quittait la vie politique active, et, dans la foulée, livré son parti, le Rassemblement des Patriotes Républicains (RPR), en sacrifice rituel à l’Union Démocratique des Bâtisseurs (UDB), la nouvelle écurie du général-président Brice Oligui Nguema.
On aurait pu applaudir, émus, le crépuscule d’un grand serviteur de l’État. Mais à y regarder de plus près, le spectacle ressemble davantage à la mise en scène macabre d’une savane politique en pleine décomposition.
Car que reste-t-il du RPR, sinon une carcasse vide, rongée depuis longtemps par l’indifférence des Gabonais et l’érosion du temps ? Et que vaut la promesse d’un « grand rassemblement » autour de l’UDB, quand ce dernier ne fait que ramasser des oripeaux, des partis fantômes et des vieux caciques à bout de souffle ?
À vrai dire, on a plutôt assisté ce samedi à la scène classique des hyènes qui se disputent les restes d’un vieux lion déchu. Car Ntoutoume Émane, loyal jusqu’au bout au système qu’il a servi, a préféré se coucher sans combattre, offrir son trophée au maître du moment et quémander une place au conseil des sages ce club feutré où les anciens du régime viennent donner des « avis éclairés » à ceux qui n’en ont cure.
Mais ne nous y trompons pas. L’UDB n’a ni la force d’un PDG d’antan, ni la légitimité populaire qu’elle prétend incarner. Ce n’est pas parce qu’on aligne des ralliements de circonstance et des partis gazelles qu’on bâtit une maison solide. Un zoo d’animaux dociles ne fera jamais oublier au peuple qu’il veut un chef de meute crédible, et non un taxidermiste collectionneur de dépouilles politiques.
En vérité, Brice Oligui joue ici une vieille partition : l’illusion de la force par l’empilement de figurants. Il tente de donner corps à son parti-pivot en accumulant les sigles, en annexant tout ce qui bouge. Mais sur le terrain, rien ne bouge : pas de militants, pas de dynamique populaire, pas d’idéologie claire. Des alliances de salon sans aucun écho dans les quartiers, dans les villages, dans les urnes à venir.
Quant au vieux Ntoutoume Émane, son retrait tardif ressemble à une reddition. À défaut de rugir encore, il a choisi de finir en bibliothécaire, promettant d’écrire ses mémoires et de « donner des conseils ». L’homme des arcanes restera fidèle à son rôle : œuvrer dans l’ombre, glisser des mots à l’oreille du pouvoir, même quand le pouvoir a changé de visage.
Et pendant ce temps, le PDG de Blaise Louembé et d’autres ambitieux tourne en rond, Ali Bongo grogne depuis son exil médical, et le peuple gabonais observe ce cirque avec une lassitude à peine dissimulée. La recomposition est en marche, certes, mais elle ressemble surtout à un recyclage : les mêmes visages, les mêmes méthodes, les mêmes calculs.
En attendant le jour où un véritable bâtisseur osera abattre la vieille maison pour en construire une neuve, on se contentera encore, pour longtemps, de repeindre les murs… et de rajouter des trophées poussiéreux dans la vitrine.
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