Le mois d’août 2025 promet d’être chargé pour la dynastie Bongo. Pendant qu’Omar Denis Junior Bongo Ondimba s’apprête à passer sous la tente nuptiale à Oyo avec faste, panache et plus de 1 000 invités triés sur le volet, son illustre demi-frère, Ali Bongo Ondimba, lui, continue d’enchaîner les audiences judiciaires, lesté d’un bracelet électronique plus discret qu’un costume de marié. Ainsi va la dynastie Bongo : quand l’un scelle des alliances sous les caméras, l’autre règle ses comptes avec la justice sous les néons blafards d’un tribunal.
Le prince et le prévenu
Le contraste est cruel mais savoureux pour l’observateur politique. D’un côté, Omar Denis Junior, tout sourire, joue à fond la carte de la « diplomatie familiale », réunissant Sassou-Nguesso, Oligui Nguema, les Otto Mbongo et une kyrielle d’officiels en mal de mondanités. Il signe ainsi le retour d’une pratique ancestrale : arranger des mariages pour arranger des affaires d’État. Un coup de génie que son grand frère ne renierait pas… si seulement il n’était pas occupé à expliquer, devant le juge d’instruction, où sont passés les centaines de milliards qui ont mystérieusement quitté les caisses publiques sous son règne.
Car oui, pendant que la presse internationale parle déjà de « mariage princier » et que les tailleurs de Milan cousent les tenues blanches immaculées pour la noce, Ali et ses proches multiplient les passages devant la Cour spéciale au Gabon. Accusations de détournements, de faux en écritures, d’enrichissement familial à grande échelle… Même leur avocat n’a plus assez de latin pour justifier la taille des villas, la longueur des comptes bancaires et la largeur des sourires d’autrefois.
Derrière la farce, une vérité brutale : la « galaxie Bongo » éclate en morceaux, et chacun choisit sa voie pour continuer d’exister dans le jeu politique. Junior, en stratège, reconstruit des ponts avec Oyo et Ngouoni, soigne son image et réunit la fratrie dispersée autour d’une coupe de champagne. Ali, lui, traîne ses jambes flageolantes et sa réputation cabossée de bureau en bureau, rattrapé par les comptes et les comptes à rendre. L’un épouse une fille de bonne famille pour solder des rancunes entre Brazzaville et Libreville, l’autre se présente avec son avocat pour solder des comptes entre le peuple et sa famille.
Le parallèle est saisissant : pendant que retentissent les youyous à Oyo et que les journalistes de mode rivalisent d’hyperboles pour décrire la robe de la mariée, retentit, à Libreville, la sonnerie métallique du tribunal, et les journalistes judiciaires se disputent la meilleure punchline sur la déchéance d’Ali.
Et le peuple dans tout ça ?
Entre la noce et la justice, une autre cérémonie, beaucoup moins festive, continue de se dérouler : celle des Gabonais et Congolais ordinaires, pris entre des dynasties qui règlent leurs affaires en famille et des États qui continuent d’ignorer les leurs. À Brazzaville comme à Libreville, le mariage princier sera célébré avec force communiqués, tandis que les juges poursuivront leurs auditions à huis clos. Comme toujours, les affaires d’État se discutent en famille… et se paient avec l’argent de tout le monde.
Ainsi va la dynastie Bongo : quand les aînés répondent à la justice, les cadets répondent à l’appel des alliances. À chacun sa manière d’écrire l’histoire. Aux Gabonais et aux Congolais de continuer de la subir.
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