La Commission nationale de lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite (CNLCEI) a de nouveau sorti ses cartons d’invitation, pardon, ses convocations, pour interroger d’anciens responsables publics accusés de gestion douteuse et d’enrichissement illicite. Parmi les heureux élus : Puanne Paulin Moussounda, ancien directeur général du PNPE, Joseph Ibouli Maganga, ex-secrétaire exécutif de l’ARTF, et François Owono Messie, ancien administrateur directeur général de Gab’Oil.
Mais la vraie question n’est pas de savoir s’ils répondront à ces convocations, mais plutôt si ces auditions changeront quoi que ce soit. Après des décennies d’impunité et de corruption rampante, la CNLCEI arrive avec ses gros sabots… et beaucoup de retard.
Soyons honnêtes : les pratiques douteuses dans ces entités publiques ne datent pas d’hier. Les détournements, les marchés truqués, les malversations financières sont des secrets de Polichinelle. Pourtant, il a fallu attendre que ces responsables soient limogés pour que la Commission s’intéresse enfin à leurs agissements. Pourquoi ? Était-ce trop difficile d’enquêter quand ils étaient encore en poste ? Ou bien les signaux d’alarme étaient-ils tout simplement ignorés ?
Pire, les enquêtes de la CNLCEI ressemblent davantage à des opérations de relations publiques qu’à une véritable croisade contre la corruption. Une manière de dire : « Voyez, nous agissons », alors que les vrais acteurs des détournements souvent protégés par des réseaux puissants restent intouchables.
Des convocations… facultatives ?
Prenons le cas de Puanne Paulin Moussounda. Convoqué le 19 décembre 2024, il n’a tout simplement pas daigné se présenter. Son absence n’a visiblement pas causé de remous, si ce n’est une nouvelle convocation pour le 24 décembre. C’est à se demander si la Commission a prévu des sanctions pour ceux qui choisissent d’ignorer ses demandes, ou si tout cela n’est qu’un jeu de dupes.
Et que dire des autres convoqués ? Joseph Ibouli Maganga et François Owono Messie sont attendus dans les prochains jours. Mais même s’ils se présentent, que se passera-t-il ensuite ? Une enquête, quelques recommandations, et peut-être, si on est chanceux, un rapport qui finira sur une étagère poussiéreuse.
Un problème de volonté, pas de moyens
La CNLCEI aime rappeler qu’elle agit dans le cadre de la loi n°042/2020, censée renforcer la lutte contre la corruption. Mais la vérité, c’est que ce ne sont pas les lois qui manquent, mais la volonté politique. Lutter contre la corruption ne consiste pas seulement à convoquer quelques boucs émissaires ; cela nécessite de s’attaquer au système qui permet ces abus.
Or, ce système reste intact. Les complicités au sommet, les nominations basées sur le clientélisme, et l’absence de contrôle effectif sur la gestion publique sont autant d’obstacles que la CNLCEI semble incapable ou peu désireuse de surmonter.
Il est frappant de constater que les enquêtes de la CNLCEI ciblent toujours les mêmes profils : des responsables déchus, faciles à sacrifier pour donner l’illusion d’une justice en marche. Pendant ce temps, les véritables décideurs, ceux qui orchestrent et profitent des détournements, restent invisibles. La transparence, dans ce pays, n’est qu’un mot vide de sens, utilisé à bon escient pour calmer l’opinion publique.
Un show sans fin
La Commission est peut-être sincère dans ses efforts, mais son impact reste dérisoire. Ses convocations sont devenues un rituel presque comique, où l’on sait d’avance que rien de concret n’en sortira. Les Gabonais, fatigués d’attendre un changement réel, observent ces gesticulations avec un cynisme bien mérité.
Alors, à quoi bon ? À quoi sert une institution qui semble plus préoccupée par son image que par des résultats tangibles ? Peut-être faudrait-il rappeler à la CNLCEI que la lutte contre la corruption ne se joue pas dans les médias, mais dans les tribunaux, avec des sanctions réelles et des réformes structurelles. Le spectacle continue. Puanne Moussounda viendra-t-il cette fois ? Probablement pas. Mais qu’importe : dans ce théâtre de l’absurde, l’absence de conséquences est devenue la seule constante.
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