Au Gabon, la politique a toujours été une question de foi. Foi en des lendemains meilleurs, foi en des promesses électorales ressassées à chaque scrutin, et surtout foi en un miracle capable d’extraire le pays de la spirale de la mauvaise gouvernance. Mais cette fois-ci, la foi prend une dimension plus… spirituelle.
C’est officiel : L’Alliance des Élites Chrétiennes du Gabon entre dans l’arène politique. Oui, vous avez bien lu. Le salut du pays pourrait désormais passer par un bulletin de vote béni, porté par des candidats ayant troqué la langue de bois pour le langage des Écritures.
Réunis à l’église de l’Alliance Chrétienne et Missionnaire du Gabon, les membres de cette plateforme ont annoncé leur intention de présenter des candidats aux élections générales de 2025. Jean Donga, président du mouvement Reconstruisons le Gabon Autrement (RGA), s’est fait le porte-voix de cette nouvelle croisade électorale. « Malgré les frustrations, l’incertitude du lendemain et les détresses de chacun, les Gabonais continuent de croire en un avenir meilleur », a-t-il déclaré, probablement inspiré par l’histoire de Job, dont la patience et les épreuves font écho au sort du citoyen lambda sous tous les régimes successifs.
Des urnes et des prières : le pari divin
L’Alliance ne manque pas d’arguments. Pour elle, le coup d’État du 30 août 2023 n’a pas seulement été un renversement politique, mais une véritable libération nationale. Il fallait, selon Jean Donga, chasser les démons de l’ancien régime et restaurer la dignité des Gabonais. Et quoi de mieux que des hommes et des femmes de foi pour guider cette renaissance ?
L’objectif affiché est ambitieux : "Remettre le pouvoir aux civils", mais pas n’importe lesquels : des civils vertueux, des élus qui respecteraient non seulement la Constitution, mais aussi les dix commandements." Voilà qui risque de chambouler les habitudes.
Car, soyons honnêtes : dans le grand livre de la politique gabonaise, il y a eu plus de Judas que de Moïse. Entre trahisons, reniements et fausses prophéties électorales, le peuple a souvent eu l’impression de jouer les dindons de la farce démocratique. L’Alliance Chrétienne espère changer cela en apportant un supplément d’âme à l’exercice du pouvoir.
Une armée électorale en mission divine
Mais attention, il ne s’agit pas seulement de prêcher la bonne gouvernance : l’Alliance veut aussi passer à l’action. Pour cela, Jean Donga a lancé un appel solennel : « J’exhorte tous les chrétiens à s’inscrire sur les listes électorales et à se mobiliser comme une armée pour soutenir nos candidats. »
Une armée de fidèles en politique ? Voilà qui risque de donner quelques sueurs froides aux états-majors des partis traditionnels, habitués à des affrontements plus terrestres. Si la mobilisation est au rendez-vous, l’Alliance des Élites Chrétiennes pourrait bien bousculer l’ordre établi et convertir des électeurs en quête d’un nouveau messie politique.
Saint scrutin ou illusion céleste ?
Reste une question essentielle : une fois au pouvoir, ces nouveaux apôtres de la politique résisteront-ils à la tentation ? On sait à quel point le pouvoir peut corrompre, et même les plus pieux ne sont pas à l’abri d’un petit détour par la case privilèges et arrangements entre amis.
Mais après tout, qui sait ? Peut-être que cette initiative sera le miracle tant attendu. Ou peut-être que, comme tant d’autres avant eux, ces nouveaux venus finiront par goûter au fruit défendu du pouvoir, laissant les électeurs avec une foi vacillante et une nouvelle prière à réciter : « Seigneur, délivre-nous de la politique telle qu’on la connaît. » Quoi qu’il en soit, en 2025, le Gabon aura un choix à faire. Et cette fois, entre les urnes et les Écritures, certains pourraient bien voter… les yeux fermés.
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