Faisant suite au discours du Président de la Transition lors de son passage à Mitzic sur la situation carcérale du lieutenant Kelly Ondo Obiang, ce lundi 03 mars 2025, le député Lionel Ella Engonga a déposé une proposition de loi portant amnistie des faits allant du 06 au 07 janvier 2019 auprès du Président de l’Assemblée Nationale de la transition. Une démarche conforme aux dispositions des articles 76, 82, 83 du règlement de l’Assemblée Nationale de la Transition, des articles 164 à 166 du Code pénal ainsi que les articles 575 et suivants du Code de procédure pénale gabonais. Lecture de la dite proposition.
Selon Stéphan GACON, historien spécialiste de l’amnistie, « l’amnistie est un geste symbolique de réconciliation sociale, ou, pour être plus précis, de réconciliation civique ».
En effet, Kelly ONDO OBIANG, Estimé MANONGO BIDIMA et Dimitri NZE MINKOM ont été arrêtés le 7 janvier 2019 suite à la prise de la Radiotélévision Gabonaise (RTG) pour tenter un changement de régime sous l’ère d’un Ali BONGO inapte. Ils ont ensuite été condamnés le 18 juin 2021 à 15 ans de prison ferme.
Tout le Gabon se souvient de ce 7 janvier 2019. Les actes de ces militaires ont été la première manifestation forte du risque d’effondrement vers lequel le pays s’était enlisé et du malaise profond qui existait alors au Gabon. Ces trois militaires ont ainsi pavé la voie au Gabon d’aujourd’hui.
Car l’action de Kelly ONDO, Estimé BIDIMA et Dimitri NZE MINKOM a été confirmée quatre ans plus tard par leurs aînés et supérieurs en grades à la Garde Républicaine, avec à leur tête le Général Brice OLIGUI NGUEMA, notre président aujourd’hui.
Leur révolte a donc marqué le premier acte du bouleversement qui se concrétisera le 30 août 2023 par le dépôt de l’ancien régime et la création du Comité de la Transition pour la Restauration des Institutions (CTRI).
L’amnistie comme outil de réconciliation.
Nous pensons que la restauration de la Nation et la réconciliation de tous les Gabonais seraient imparfaites ou inachevées, si elles n’avaient pas pour bouquet final l’amnistie de nos trois compatriotes à ce jour encore écroués.
C’est donc dans cette logique que nous avons déposé une proposition de loi d’amnistie pour Kelly ONDO, Estimé BIDIMA et Dimitri NZE MINKOM. Voter le principe de l’amnistie revient, avant tout, à réconcilier le tissu social gabonais.
L’intérêt supérieur de l’État comme motif de leur action.
Lors de leur procès le 18 juin 2021 à la Cour militaire spéciale à Libreville, Kelly ONDO, Estimé BIDIMA et Dimitri NZE MINKOM avaient été reconnus coupables “d’atteinte à la sûreté intérieure de l’État, d’association de malfaiteurs, de vol commis avec violences, de séquestration arbitraire” et condamnés à quinze (15) ans de prison ferme.
Au cours de l’enquête qui a suivi et des interrogatoires respectifs jusqu’au procès des principaux acteurs, la vérité de leur motivation n’a pas été altérée : l’intérêt supérieur de nos institutions était leur principale motivation.
Et il ressort principalement de l’audience publique et de la procédure que le fondement de cette motivation réside dans la volonté de rétablir la légitimité des institutions et la continuité de l’État qu’ils considéraient comme défaillant depuis la maladie de l’ancien Chef de l’État.
Il ne ressort d’aucun acte ni d’aucune pièce de la procédure que les trois principaux éléments aient pu être mus par des intérêts étrangers ou même particuliers.
En cela, même la Cour spéciale militaire apportait la précision cruciale suivante :
« À la question de savoir si les accusés peuvent bénéficier des circonstances atténuantes, la Cour a répondu à la majorité des voix de ses membres et par un scrutin secret a répondu oui » (p. 18).
Ainsi, par exemple, le 23 juillet 1998, le Président de la République feu Omar Bongo promulguait la loi Nᵒ 13/98, portant amnistie générale, sur le fondement de la loi Nᵒ 31/60 du 8 juin 1960 réglementant l’amnistie générale.
Cette loi disposait : Article 2 : « Sont amnistiés de plein droit :
– Les faits constitutifs d’infraction de droit commun liés aux évènements politiques survenus entre le 17 février 1964 et le 7 octobre 1994.
– Les faits d’atteinte à la sûreté intérieure ou extérieure de l’État commis antérieurement au 7 octobre 1994. »
Et la Constitution, adoptée largement au référendum le 16 novembre 2024, consacre en son article 170 une loi d’amnistie pour les auteurs des actes allant du 29 août 2023 à l’investiture du Président de la Transition.
Il existe donc des précédents dans notre République.
Au Burkina Faso, les députés de l’assemblée législative de transition avaient adopté le lundi 30 décembre 2024, un projet de loi sur la « grâce amnistiante » pour les militaires condamnés dans le cadre du coup d’État manqué de septembre 2015. Une quinzaine de morts et plus de 250 blessés avaient été enregistrés lors de ces évènements.
Le texte avait été adopté par 67 voix, contre 3 abstentions, pour 70 votants.
Selon le ministre de la Justice du Burkina, Monsieur Edasso Rodrigue BAYALA, cette grâce amnistiante avait pour effet d’annuler, une fois accordée, toutes les poursuites ou condamnations contre l’intéressé. « Et celles-ci ne seront pas mentionnées dans sa carrière ».
Certains amnistiés étaient même éligibles à retourner dans leurs fonctions.
La restauration de la nation et la réconciliation de tous les Gabonais seraient imparfaites ou inachevées, si elles n’avaient pas pour bouquet final l’amnistie de nos trois compatriotes, à ce jour encore écroués.
Sur cette question spécifique, le Chef de l’État, S.E.M. Brice Clotaire OLIGUI NGUEMA, s’est exprimé en disant : « Kelly ONDO, c’est mon frère. Les gens qui l’ont mis en prison l’ont jugé. Pour le libérer, je dois passer par les lois (…) ».
Ainsi, par cette déclaration, le principal garant de nos institutions admet la nécessité de la présente procédure.
Tant de chemin a été parcouru, depuis le dialogue national à l’adoption récente par ce parlement du code électoral.
Les esprits ont été pénétrés par le renforcement de nos institutions. Il est maintenant temps de pénétrer le cœur des Gabonais, en rendant nos jeunes compatriotes à leurs familles et à la société gabonaise, dont ils ont été bien trop longtemps privés. Cela ne sera que justice et réconciliation nationale.
Voici ci- les articulations de notre proposition de loi :
Article 1er
Les militaires Kelly ONDO OBIANG, Estimé BIDIMA MANONGO Dimitri, NZE MINKOM et les acteurs condamnés à l’occasion des événements ayant eu cours dans la nuit du 6 au 7 janvier 2019 sont amnistiés de plein droit. Un décret pris en Conseil des Ministres définit les conditions d’application du présent article.
Article 2
Lorsqu’elle intervient après condamnation définitive, l’amnistie résultant du présent article est constatée par le ministère public près la juridiction ayant prononcé la condamnation, agissant soit d’office, soit sur requête du condamné ou de ses ayants droit.
Article 3
En vertu de l’article 582 du Code de procédure pénale, les bénéficiaires de l’amnistie seront réintégrés dans leurs emplois, grades et offices dans les conditions dans lesquelles ils étaient avant le 18 juin 2021.
Article 4
La présente loi sera enregistrée au Journal Officiel et exécutée comme loi de la République.
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