La campagne présidentielle gabonaise s’emballe, et avec elle, une avalanche de déclarations enflammées. Dernière en date : Nicole Assélé, qui appelle les Gabonais à soutenir Alain-Claude Bilie-By-Nze, qu’elle érige en seul et unique candidat de la rupture. La rupture avec quoi, au juste ? Avec les pratiques du passé ? Avec le PDG ? Avec les illusions ? Creusons un peu.
Un révolutionnaire en col blanc ?
Il faut le dire, Alain-Claude Bilie-By-Nze a le CV d’un homme d’État. Ex-ministre, ex-Premier ministre, ex-PDGiste convaincu, il a navigué sous plusieurs régimes, de Bongo fils à la Transition. Un parcours qui, certes, témoigne d’une résilience politique remarquable, mais pose une question légitime : peut-on être le candidat du changement quand on a été une pièce maîtresse du système qu’on veut "rompre" ?
D’aucuns diront que l’homme a su tirer des leçons du passé. D’autres, plus sceptiques, y verront une habileté de caméléon politique. Après tout, prôner la rupture après avoir tenu les leviers du pouvoir, c’est un peu comme un cuisinier qui brûle le repas et demande à être promu chef étoilé.
Nicole Assélé, la prophétesse du renouveau
Dans son plaidoyer enflammé, Nicole Assélé ne mâche pas ses mots : Bilie-By-Nze serait l’homme providentiel, le seul candidat conforme à la loi et, bien sûr, le seul à pouvoir ramener espoir et dignité au peuple. Rien que ça ! On sent que la foi est profonde… et opportunément placée.
En dénonçant une "amnésie politique", Assélé attaque ceux qui auraient oublié leur rôle dans la stagnation du pays. Mais dans ce grand procès des anciens, il semble qu’on ait oublié d’appeler certains témoins à la barre. À savoir : Bilie-By-Nze lui-même, qui fut aux premières loges des grandes décisions du passé.
Un programme à contre-courant… ou à contre-temps ?
Si l’on s’intéresse aux propositions du candidat, la rupture annoncée est plutôt… administrative. Supprimer le Sénat, le CESE, la Médiature de la République ? Soit. Mais est-ce là le souffle révolutionnaire attendu par les Gabonais ? L’ambition semble plus proche d’un ménage de printemps que d’un séisme politique.
Quant à ses engagements économiques et sociaux, ils fleurent bon les promesses de campagne habituelles : plus d’emplois, plus de justice sociale, plus de tout… sauf peut-être d’une explication claire sur la manière dont tout cela sera financé.
"Osons la rupture !" … mais laquelle ?
Dans ce concert électoral où chaque candidat veut incarner le renouveau, Bilie-By-Nze joue la carte du pragmatisme. Peut-être sincèrement. Peut-être par calcul. Mais la véritable rupture, celle que les Gabonais attendent, ne se résume pas à changer de capitaine tout en gardant le même navire.
Alors, rupture avec le passé ou continuité sous un autre nom ? Le scrutin du 12 avril nous dira si les Gabonais sont prêts à croire que l’on peut rénover une maison en gardant les mêmes architectes. En attendant, le spectacle continue, et la politique gabonaise prouve une fois de plus qu’elle excelle dans l’art de réinventer les visages… sans jamais vraiment changer les règles du jeu.
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