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Bilie-By-Nze et les massacres de 2016 : l’exécuteur d’hier, le moraliste d’aujourd’hui

IMG Bilie-By-Nze, ex premier ministre d'Ali Bongo.

Dans le grand théâtre politique gabonais, certains rôles ne vieillissent jamais. Celui du repenti, en quête de réhabilitation après des années passées à exécuter les basses besognes du pouvoir, est l’un des plus prisés. C’est dans ce costume que revient aujourd’hui Alain-Claude Bilie-By-Nze, ancien ministre omniprésent sous Bongo fils, dernier Premier ministre du régime déchu, et désormais… donneur de leçons.

 

L’homme qui, il y a peu encore, incarnait avec ferveur le pouvoir qu’il critique aujourd’hui, se découvre une âme de dissident tardif. « J’étais le visage du pouvoir », admet-il, tout en se demandant pourquoi on le harcèle lui, et pas les autres. Curieuse amnésie : hier, il défendait ce régime avec une passion dévorante. Aujourd’hui, il prend de la hauteur, regrette quelques excès, et s’étonne que les vrais coupables ne soient pas inquiétés. Mais alors, Alain-Claude Bilie-By-Nze est-il un simple exécutant abusé, ou l’un des architectes d’un système qu’il feint désormais de dénoncer ?

 

Victime collatérale… ou opportuniste ?

Il l’affirme sans détour : il n’a été Premier ministre que sept mois. Pas de quoi, selon lui, le rendre comptable de toutes les dérives d’un régime qui s’est écroulé sous son propre poids. Mais avant Matignon (pardon, la Primature), il était déjà là, fidèle parmi les fidèles. Porte-parole, ministre, stratège de la communication présidentielle : autant de rôles qu’il a endossés avec zèle, contribuant à verrouiller le débat public et à maintenir un système qu’il qualifie aujourd’hui d’inefficace.

 

Alors, Bilie-By-Nze aurait-il vécu un soudain éveil démocratique, ou simplement une prise de conscience forcée par les circonstances ? Car il ne faut pas s’y tromper : si le 30 août 2023 a « remis les compteurs à zéro », comme il le dit, c’est avant tout parce que le peuple a appuyé sur le bouton « reset » à sa place.

 

Une commission vérité… mais pour qui ?

L’ancien Premier ministre réclame une Commission vérité, justice et réconciliation. Un noble combat, sauf que son enthousiasme semble bien solitaire. Il s’étonne du silence de ceux qui, hier, dénonçaient à grands cris les dérives du régime et qui, aujourd’hui, sont bien trop occupés à gérer le pouvoir.

 

Mais là encore, une question s’impose : dans cette commission qu’il appelle de ses vœux, quel rôle jouerait-il ? Accusateur, témoin ou accusé ? Car si vérité il doit y avoir, elle ne pourra pas être à géométrie variable. Si les exactions du régime Bongo doivent être mises en lumière, alors il faudra aussi interroger ceux qui, comme lui, ont été au cœur du dispositif.

 

De la continuité du système… à la continuité de l’homme

Bilie-By-Nze est formel : depuis le coup d’État, rien n’a changé, ou pire, « c’est pire qu’avant ». Il dénonce le maintien des mêmes pratiques, des mêmes réseaux, des mêmes petits arrangements entre amis. Difficile de lui donner tort sur ce point. Mais la vraie question est ailleurs : si le système n’a pas changé, c’est bien parce que ses acteurs n’ont pas changé non plus. Et lui, où se place-t-il ? En appelant à « casser le système », l’ancien Premier ministre joue les outsiders révoltés. Pourtant, il en est un pur produit, formé, nourri et propulsé par lui. Aujourd’hui, il critique avec force les « copains, coquins et consanguins »… mais oublie de préciser que, pendant des années, il était l’un d’eux.

 

Un faux suspense pour une vraie ambition

Officiellement, il n’a pas encore décidé s’il sera candidat à la prochaine présidentielle. Mais derrière ses critiques acérées et ses plaidoyers pour la rupture, le message est limpide : il veut incarner l’alternative. Une alternative qui consisterait, en somme, à remplacer le système Bongo… par l’un de ses meilleurs soldats.

 

Le Gabon, las des conversions tardives et des indignations opportunes, pourrait bien ne pas se laisser berner par ce énième recyclage politique. Car si le 30 août 2023 a marqué la fin d’un régime, il reste encore à s’assurer que ses figures les plus emblématiques ne se contentent pas de changer de costume pour mieux revenir aux commandes.

 

Bilie-By-Nze pourra bien faire son mea culpa, dénoncer ses anciens alliés et revendiquer un nouveau départ. Mais à force de jouer les lanceurs d’alerte après coup, il risque surtout de ne devenir qu’un écho du passé, qu’on écoutera d’une oreille distraite avant de passer à autre chose.

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