Il fallait oser : perdre avec panache, parler avec aplomb, saluer avec retenue, et surtout… ne pas dire « bravo » trop fort. En conférence de presse, Alain-Claude Bilie-By-Nze, ancien Premier ministre et candidat à la présidentielle du 12 avril, a livré ce lundi un discours calibré au millimètre, oscillant entre la loyauté républicaine et l’ironie feutrée. Il a reconnu sa défaite mais du bout des lèvres, comme on goûte un plat trop salé.
« Le démocrate dans l’âme que je suis salué le climat d’apaisement dans lequel cette élection s’est déroulée. » Traduction : les urnes étaient calmes, le peuple discipliné, la défaite bien emballée. Derrière le compliment poli, un soupçon de scepticisme à peine dissimulé : à Libreville, le silence des balles est parfois plus bruyant que les applaudissements.
Mais c’est en s’adressant au vainqueur déclaré, le Général Brice Clotaire Oligui Nguema, que l’ancien chef du gouvernement a sorti l’arme lourde de la formule mesurée : « J’ose espérer que le vainqueur […] trouve enfin les ressorts indispensables pour répondre aux nombreuses attentes sociales de nos compatriotes. » Enfin ? Ce petit mot glissé, comme une écharde dans un gant de velours, pèse plus lourd que les discours des vainqueurs.
Car au fond, Bilie-By-Nze ne conteste pas le résultat il le digère à sa façon, avec ce flegme calculé qui fait la marque des hommes politiques qui veulent survivre à leurs propres défaites. Il sait que dans la nouvelle ère post-dynastique, où le képi a remplacé le sceptre, mieux vaut être un opposant loyal qu’un révolutionnaire viré.
L’analyse politique ? Elle est limpide : en saluant le scrutin sans l’embrasser, en respectant l’élection sans s’y soumettre corps et âme, Bilie-By-Nze se place là où il faut pour l’avenir à équidistance de la compromission et de l’insoumission. Il ne croit pas à la rupture, mais il croit à la continuité intelligente. Bref, il prépare déjà la prochaine étape : devenir utile. Où ? Comment ? À quel poste ? L’avenir le dira.
Et pendant que les électeurs reprennent leur souffle, pendant que le Général s’apprête à chausser ses bottes de président civil, Bilie-By-Nze s’installe confortablement dans la posture de celui qui a perdu… sans tomber. Une prouesse rare en politique gabonaise. Il est battu, mais il parle. Et tant qu’un homme politique parle, c’est qu’il n’est pas mort.
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