Le Gabon est un pays de paradoxes. Tandis que le budget de la santé, voté chaque année avec des millions, semble se volatiliser dans les méandres administratifs, voilà que surgit une nouvelle héroïne nationale : Zita Oligui Nguema, Première Dame de la Transition, armée de dons et d’une générosité presque divine. Des fournitures hospitalières pour le CHRO d’Oyem et le CHU Amissa Bongo de Franceville, le tout sans qu’on sache vraiment d’où viennent les fonds. Alors, Maman Noël ou magicienne financière ?
Quand la santé publique devient une affaire privée
Les malades du CHRO et du CHUAB, fatigués de payer même pour une seringue, ont applaudi ces gestes. Après tout, qui refuserait des lits, des équipements ou des médicaments dans des établissements où l’on trouve parfois plus de rats que de pansements ? Mais si les dons répondent à un besoin immédiat, ils posent une question de fond : pourquoi une Première Dame doit-elle pallier les failles d’un système censé être financé par l’argent public ?
Ne nous y trompons pas : ce genre de générosité "spontanée" n’existe que dans les contes. Dans un pays où chaque franc public est scruté (enfin, devrait l’être), une telle intervention soulève forcément des doutes. Zita aurait-elle découvert un gisement d’or secret à Franceville ou se serait-elle inspirée des coffres bien garnis de Sylvia Bongo ? Mystère et opacité.
Merci qui ? Merci Maman Zita !
La communication autour de ces dons n’a rien laissé au hasard. Les remerciements pleuvent sur les réseaux sociaux et dans les médias d’État. "Merci Maman Zita !", s’exclament certains, oubliant que, dans un pays normal, les hôpitaux devraient être correctement équipés grâce aux impôts que nous payons tous.
Ce genre de mise en scène rappelle étrangement une époque pas si lointaine où Sylvia Bongo, avec ses projets tape-à-l’œil et ses "dons" généreux, s’attirait des éloges tout en creusant un fossé entre l’État et ses obligations. Aujourd’hui, Zita semble reprendre la recette, avec une pincée de "transition" en plus. Mais où s’arrête la philanthropie et où commence la démagogie ?
L’argent public ou privé ? Là est la question
En l’absence d’une déclaration de patrimoine ou d’un communiqué clair sur l’origine des fonds, les spéculations vont bon train. Serait-ce l’argent du contribuable qui se retrouve dans ces actions caritatives ? Si oui, pourquoi passer par des gestes symboliques plutôt que de renforcer les politiques publiques ? Si non, d’où vient cette manne financière soudaine ? Dans un pays où la majorité survit avec moins de 5 000 FCFA par jour, il serait intéressant de connaître le secret de Zita pour financer de tels élans de générosité. Une masterclass en gestion de fortune personnelle, peut-être ?
Un pansement sur une fracture ouverte
Le véritable problème réside ailleurs. Ces dons, bien que spectaculaires, ne sont qu’un pansement sur une fracture ouverte. Le système de santé gabonais a besoin de réformes profondes, pas de coups médiatiques. Au lieu de soigner les symptômes, ne serait-il pas temps de s’attaquer à la maladie ?
Les Gabonais en ont assez des "sauveurs" ponctuels qui surgissent avec des cartons de fournitures pour un hôpital, pendant que les autres structures du pays restent à l’agonie. Ce n’est pas une Première Dame qu’il nous faut, mais un État qui assume ses responsabilités.
Le Gabon mérite mieux
Si les intentions de Zita Oligui Nguema sont peut-être louables, elles n’en restent pas moins problématiques dans leur exécution. Les Gabonais ne demandent pas des dons, mais un système où leur argent est utilisé à bon escient, où les hôpitaux fonctionnent normalement, et où les figures publiques sont exemplaires. En attendant, continuons à applaudir les héros improvisés, tout en posant la question essentielle : à quand un pays où le don devient superflu parce que l’État fait son travail ?
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