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10 000 adhérents pour avoir un parti politique : Maganga Moussavou pointe le risque de « double appartenance » et de manipulations statistiques

IMG Pierre-Claver Maganga Moussavou, Président du PSD.

Dans le théâtre politique gabonais, il arrive que la pièce jouée ressemble davantage à une farce qu’à une tragédie classique. L’interview accordée par Pierre-Claver Maganga Moussavou à L’Union à propos de la loi sur les partis politiques en est la parfaite illustration. Membre du comité chargé de pondre l’avant-projet, l’ancien vice-président s’étonne, avec une pointe d’ironie non dissimulée, de découvrir un texte final qui ne ressemble guère à l’œuvre collective qu’il croyait avoir cosignée. « Les dispositions transitoires contenues dans le texte final ne sont pas ce que nous avons retenu », lâche-t-il d’entrée de jeu, comme un maître d’école découvrant qu’on a corrigé sa dictée à son insu.

 

Car c’est bien là tout le nœud de l’affaire : dans la version promulguée le 27 juin, il est désormais imposé aux partis politiques d’afficher pas moins de 10 000 adhérents en… douze mois. Une disposition qui, selon Maganga Moussavou, n’était ni discutée, ni approuvée par le comité. Un peu comme demander à une tortue de sprinter sous peine de radiation.

 

 « Vous êtes nés, on ne peut pas vous demander de renaître »

La formule a le mérite d’être imagée. L’homme dénonce une exigence « aberrante », déconnectée des réalités d’un pays où, selon ses propres mots, « les Gabonais ont dans leur cantine les tee-shirts de tous les partis politiques, qu’ils arborent selon les événements ». En clair, compter sur la loyauté ou la fidélité des militants est une illusion. Et espérer mobiliser 10 000 adhérents en un an relève, selon lui, d’une mauvaise comédie.

 

Le journaliste, qui suit la scène depuis longtemps, se demande : et à quoi serviront donc ces 10 000 âmes supposées gonfler les rangs ? Voteront-elles ? Cotiseront-elles ? Où se cachent-elles, alors même que les urnes, à chaque scrutin, peinent à se remplir ? Maganga Moussavou pointe aussi le risque de « double appartenance » et de manipulations statistiques : « On pourrait se retrouver avec les mêmes militants à gauche et à droite dont certains n’auraient pas donné leur consentement. » Bref, une usine à gaz.

 

La main invisible (mais bien réelle) de l’État

Mais qui donc a glissé cette clause ubuesque dans le texte ? Maganga Moussavou ne le dit pas clairement. Mais il glisse un avertissement voilé au sommet : « Lorsque le président de la République commet une commission, ce n’est pas pour qu’à la fin, il refasse ce pour quoi nous nous sommes réunis à sa demande. » En d’autres termes, si la concertation est un théâtre, inutile d’inviter des acteurs si le scénario est déjà écrit.

Car l’État, dans cette pièce, tient décidément beaucoup de rôles à la fois : conseiller, arbitre, mais aussi metteur en scène et producteur. Pourtant, souligne le vétéran de la politique, « l’État n’a pas à s’immiscer dans le fonctionnement des partis politiques ». Encore moins à les affaiblir sous prétexte de les renforcer.

 

Des avancées (quand même) à saluer

Tout n’est pas à jeter dans la nouvelle loi, concède-t-il, un rien désabusé. L’obligation pour les partis d’avoir un siège, un compte bancaire, une comptabilité transparente et un accès équitable aux médias publics constitue indéniablement un progrès. Dans un pays où les fonds publics ont longtemps été confondus avec les poches des dirigeants, la rigueur financière et la reddition des comptes étaient attendues.

Mais, pour Maganga Moussavou, le problème n’est pas dans le fond mais dans la forme. Pourquoi organiser une concertation si c’est pour en trahir l’esprit ? Et de conclure, pince-sans-rire : « Doit-on, du fait de sa position, manipuler un texte fruit d’une concertation libre, large, consensuelle et démocratique ? Je vous laisse répondre à cette question. »

 

La morale de la pièce

Ainsi va la démocratie gabonaise : entre grands discours et petites manœuvres, entre exigences impossibles et belles intentions. Avec des lois qui, parfois, donnent l’impression de demander aux partis de ressusciter les morts pour gonfler leurs rangs. La scène reste ouverte, le rideau n’est pas encore tombé. Mais dans ce théâtre où l’on compte déjà plus de figurants que de spectateurs, la question demeure : qui écrit vraiment la pièce, et pour quel public ?

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