À l’origine, le programme "Un jeune, un permis" devait être une initiative présidentielle audacieuse, visant à offrir aux jeunes un atout précieux pour leur insertion professionnelle : le permis de conduire. Une promesse séduisante dans un pays où le transport, notamment le secteur des taxis et des transports de marchandises, représente une opportunité d’emploi pour de nombreux jeunes. Mais aujourd’hui, l’euphorie a laissé place à la consternation : plus d’un an après son lancement, le programme est embourbé dans un marécage de soupçons de détournement, de mauvaise gestion et d’incompétence administrative.
Des financements fantômes et des bénéficiaires floués
Selon les chiffres annoncés en grande pompe en 2024, plusieurs centaines de jeunes devaient bénéficier du programme. L’État s’était engagé à financer les frais d’apprentissage et d’examen auprès des auto-écoles agréées. Sauf que, dans la réalité, les fonds semblent s’être évaporés avant d’atteindre leur destination finale.
Les auto-écoles, qui devaient être les principales exécutantes du programme, dénoncent un mensonge d’État. Yves Ndong Essonne, responsable de l’auto-école Némico, exprime son indignation : "Nous avons inscrit des jeunes, nous avons préparé leurs dossiers, mais les paiements promis n’ont jamais été effectués. On nous accuse de bloquer le processus, mais comment faire passer des examens sans financement ?" Derrière ces accusations, une question brûle toutes les lèvres : où est passé l’argent ?
Deux conseillers dans l’œil du cyclone
Deux noms reviennent avec insistance dans cette affaire : Juste Parfait Moubamba, alias Bung Pinz, et Armel Mickala, tous deux proches du pouvoir. Ce sont eux qui, selon plusieurs sources, auraient piloté le projet et assuré sa mise en œuvre.
Face aux accusations, les deux hommes se défendent bec et ongles, dénonçant un complot visant à les discréditer. Selon eux, ce sont les auto-écoles qui auraient cherché à profiter du programme en surfacturant les prestations ou en retardant les inscriptions pour réclamer des paiements anticipés. Une défense qui peine à convaincre, d’autant plus que les principales structures concernées réclament aujourd’hui une enquête sur la gestion des fonds alloués.
Un ministère des Transports silencieux, une justice aux abonnés absents
Le scandale a éclaté au grand jour grâce aux réseaux sociaux, où de nombreux jeunes bénéficiaires ont exprimé leur colère et leur désillusion. Les médias ont rapidement repris l’affaire, mais du côté des autorités, c’est le mutisme total. Le ministère des Transports, censé superviser le programme, n’a fait aucune déclaration officielle sur l’état réel du projet.
Une source proche du dossier, sous couvert d’anonymat, évoque pourtant des "anomalies flagrantes" dans la gestion des fonds. "Il est fort probable qu’une partie du budget ait été détournée. Les virements n’ont pas été effectués aux bons destinataires, et certaines dépenses restent impossibles à tracer." Mais malgré l’émoi suscité par l’affaire, aucune enquête officielle n’a été ouverte. Ce silence ne fait qu’alimenter le sentiment d’impunité qui entoure la gestion des fonds publics au Gabon.
Les jeunes, encore une fois, laissés pour compte
Pendant que les responsables du fiasco continuent d’occuper leurs fonctions sans être inquiétés, les 500 jeunes qui comptaient sur ce programme voient leur avenir s’assombrir. Certains espéraient décrocher un emploi de chauffeur, d’autres voulaient se lancer dans le transport privé. Aujourd’hui, ils se retrouvent bloqués, sans permis et sans perspective."On nous avait promis un avenir, on se retrouve avec du vent," résume amèrement l’un des bénéficiaires du programme.
Derrière ce scandale, c’est une fois de plus la question de la transparence et de la responsabilité des dirigeants qui se pose. Un jeune, un permis ? Peut-être. Mais au Gabon, un projet, un détournement, semble être la norme.
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