Il semblerait que, dans le théâtre politique gabonais, le rideau ne s’abaisse jamais sur une scène bien connue. Depuis le coup d’État du 30 août 2023, les promesses de transition ont fait place à une pièce de mauvaise comédie politique où l’espoir a été relégué aux coulisses, et la réalité du pouvoir militaire sur scène.
La Coalition pour la Nouvelle République (CNR) n’a pas manqué de le souligner dans ses récentes déclarations. D’après le président Vincent Moulengui Boukosso, la transition est loin de correspondre à l’idéal affiché par Brice Clotaire Oligui Nguema. À l’origine, la transition devait incarner la fin d’un règne oppressif et la restauration des libertés et des institutions. Mais à force de regarder à travers le prisme des vieilles habitudes, on ne voit plus que les mêmes acteurs, les mêmes discours, et les mêmes stratégies. Le pouvoir militaire, tout en douceur, semble plus enclin à se renforcer plutôt qu'à céder la place aux civils.
Les attentes étaient grandes après le coup d’État, un « vent de changement » soufflant dans l’air, mais rapidement, ce vent est devenu une brise timide qui peine à disperser les nuages de scepticisme. L'armée, naguère porteuse de l’espoir d’un Gabon nouveau, semble désormais plus préoccupée par l'idée de pérenniser ses acquis que de remettre le pouvoir aux civils. Après tout, pourquoi se presser pour un retour à l'ordre constitutionnel quand la situation actuelle offre des privilèges ?
Mais la pièce n’est pas sans ses spectateurs critiques. En effet, la CNR n’a pas tardé à dénoncer les contradictions criantes du processus de transition. Selon Boukosso, le général de brigade Oligui Nguema, dont le passé en tant que ministre de la Défense et de l’Intérieur le disqualifie de facto pour briguer la présidence, semble ignorer les engagements internationaux du Gabon, notamment la Convention de Vienne et la Charte africaine des élections. L’ironie ? Celui qui prône la restauration de la démocratie se trouve, selon la CNR, être un obstacle majeur à son propre objectif, car il incarne une figure du pouvoir qui n’a pas cessé d’être au cœur des dynamiques de l'armée.
Pour couronner le tout, la CNR rappelle que les promesses de changement s'effritent chaque jour un peu plus. Le pays sombre dans une République de l’impunité, et la misère se fait sentir de plus en plus violemment parmi les couches les plus vulnérables. Dans une économie moribonde, où le taux d'endettement grimpe, la vie des Gabonais semble être devenue une sorte de loterie à la pauvreté. Les anciens fossoyeurs du système, toujours bien présents, redonnent un parfum familier à la République, un parfum de stagnation et de conservatisme.
Le général Oligui Nguema pourrait peut-être s'inspirer de l’histoire de Josué pour réussir sa mission. Mais à en juger par ses choix politiques, il semble qu’il préfère se réconcilier avec ceux qui, par le passé, ont contribué à enterrer les espoirs démocratiques du pays. Peut-être s’imagine-t-il, dans un éclat de rédemption improbable, réécrire l’histoire en marquant de son empreinte l’avenir du Gabon. Ou peut-être, simplement, il est pris dans la danse des pouvoirs, incapable de se défaire du carcan militaire qui l’a propulsé au sommet.
En attendant, le Gabon assiste à un spectacle qui oscille entre l’illusion de la démocratie et la réalité du pouvoir militaire. Le pays semble pris dans un piège, où le changement est toujours « pour demain », mais jamais réellement palpable. Une situation qui, au fil du temps, pourrait bien éclipser toute possibilité de transition véritable, à moins que l’audace et la sincérité ne finissent par trouver leur place dans cette scène déjà trop répétitive.
La conclusion est amère : si la transition est une promesse, elle ressemble de plus en plus à une farce, où ceux qui devraient rendre le pouvoir aux civils semblent plutôt déterminés à le garder. Une transition, oui, mais dans quel sens ? L’histoire nous dira si ce tour de magie était celui d’un véritable changement ou d’une illusion bien orchestrée.
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