À quatre jours de la clôture des candidatures pour la présidentielle, la classe politique gabonaise nous gratifie d’un spectacle digne d’un feuilleton aux rebondissements inattendus. Dans le rôle principal : Alain-Claude Bilie-By-Nze, ex-Premier ministre et président de la plateforme Ensemble pour le Gabon, qui, dans un sursaut démocratique tardif, s’est joint à d’autres figures de l’opposition pour réclamer le report du scrutin. Une initiative courageuse ? Pas vraiment, à en croire l’un de ses propres alliés, Stéphane Germain Iloko, qui n’a pas tardé à le désavouer publiquement.
Dans une déclaration publiée sur Facebook (car oui, au Gabon, la politique se joue aussi sur les réseaux sociaux), Iloko a tenu à préciser que la démarche de Bilie-By-Nze et de ses nouveaux amis Ali Akbar Onanga, Pierre-Claver Maganga Moussavou et Albert Ondo Ossa n’engage en rien Ensemble pour le Gabon. En d’autres termes : « Il a parlé en son nom, pas en notre nom. » Traduction politique : chacun pour soi, et le CTRI pour tous !
Un rendez-vous manqué avec la cohérence
Ce qui frappe dans cette nouvelle passe d’armes, ce n’est pas tant la demande de report des élections après tout, au Gabon, les échéances électorales sont aussi flexibles qu’un élastique usé mais bien l’absence totale de cohérence dans l’opposition. Jusqu’à samedi, assure Iloko, la seule préoccupation de la plateforme était de savoir s’il fallait ou non participer au scrutin. Autrement dit, certains se posaient encore la question existentielle de savoir s'ils allaient tenter leur chance, pendant que d'autres réclamaient un délai supplémentaire pour mieux s’organiser.
Résultat : une scène politique où tout le monde parle en même temps, mais où personne ne s’écoute. Et pendant ce temps, le CTRI, qui n’en demandait pas tant, peut tranquillement observer ses adversaires s’étriper sur la place publique.
Poker politique : qui bluffe qui ?
Le plus cocasse dans cette affaire, c’est que la cacophonie actuelle sert davantage la Transition que ses opposants. En réclamant un report des élections à la dernière minute, Bilie-By-Nze et ses compères ont offert au CTRI une nouvelle carte à jouer : celle de la division de l’opposition. Ce faisant, ils confortent le Comité de Transition dans son autorité et renforcent l’idée qu’il n’y a finalement pas d’alternative crédible à sa gouvernance.
Quant à Stéphane Germain Iloko, qui joue les francs-tireurs en désavouant publiquement son propre camp, il semble vouloir se positionner comme la voix de la « vraie » opposition. Mais là encore, son timing est pour le moins curieux. Pourquoi attendre la dernière ligne droite pour se désolidariser de son leader ? Serait-ce une tentative de sauver ce qui peut encore l’être avant que le navire Ensemble pour le Gabon ne prenne définitivement l’eau ?
Le CTRI, grand gagnant du désordre ambiant
Si l’opposition espérait ainsi faire pression sur la Transition pour obtenir un report du scrutin, elle s’y prend de la pire des manières. Au lieu de présenter un front uni, elle offre un spectacle de désorganisation qui renforce la posture du pouvoir en place. L’argument du CTRI selon lequel le pays n’est pas prêt pour une passation démocratique en bonne et due forme trouve ici un écho presque ironique.
D’ailleurs, une question se pose : cette mascarade politique n’était-elle pas prévue d’avance ? À force de réclamer des concertations, des reports et des ajustements de dernière minute, certains opposants ne cherchent-ils pas simplement à gagner du temps en espérant un retournement de situation inespéré ? Si c’est le cas, ils risquent fort de se réveiller trop tard.
En attendant, Alain-Claude Bilie-By-Nze et Stéphane Germain Iloko ont prévu de se parler mercredi matin. Pour se réconcilier ? Se rabibocher ? Ou s’accuser mutuellement de trahison ? Nul ne le sait encore, mais une chose est certaine : au Gabon, la politique est un art où l’absurde et le stratégique se confondent souvent dans un même éclat de rire.
(Nous y reviendrons.)
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