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Politique

Interview de Jean Valentin Leyama : « Seul un changement qualitatif au sommet de l’Etat peut garantir au Gabon de se hisser au rang des pays de référence en Afrique… »

IMG Jean Valentin Leyama, premier sur la gauche, lors du congrès de REAGIR.

 

Dans une interview accordée à l’hebdomadaire, La Cigale Enchantée, Jean Valentin Leyama est formel ; face à la spoliation à ciel ouvert du Gabon, dans tous les secteurs, y compris dans ses domaines de souveraineté, seule une réappropriation du Gabon par ses enfants  permettra de sauver le pays du chaos. Le Secrétaire exécutif de Réagir appelle, pour cela, le peuple gabonais à la mobilisation. Lecture.   

 

 

La Cigale Enchantée : Aujourd’hui, vous êtes Secrétaire exécutif de REAGIR, parti politique de l’opposition, sans que l’opinion sache, réellement, à quel moment s’est faite la rupture avec un régime dans lequel vous occupiez le poste de Directeur de cabinet adjoint du Président de la République. Qu’est-ce qui s’est, réellement, passé ?

 

Jean Valentin Leyama : J’ai, en effet, exercé, pendant deux ans, comme Directeur de cabinet adjoint du Président de la République, puis, pendant neuf mois, comme Conseiller politique. Ce qui se résume à une période allant de septembre 2015 à juin 2018. J’ai été aussi coopté comme Administrateur au Conseil d’Administration de l’Ecole des Mines et de la Métallurgie de Moanda pour le compte de la Présidence en mars 2016, puis nommé Président de son Conseil d’Administration, deux mois plus tard. Ma promotion au poste de DCA a été le résultat d’une sollicitation du Chef de l’Etat, exprimée lors d’une audience au cours de laquelle il avait souhaité me voir suivre, à ses côtés, un certain nombre de dossiers d’Etat dans mes domaines de compétence, en particulier sur les plans économique et financier. J’avais, humblement, demandé un temps de réflexion. Relancé six mois plus tard, j’ai pu percevoir cette marque d’intérêt comme une invite à servir mon pays au mieux de mes capacités, comme je m’y suis toujours appliqué dans l’enseignement supérieur, la gestion d’organismes publics, le Parlement et la gestion locale. Dans les discussions, qui ont prévalu avant ma nomination, il a été convenu de conserver ma liberté à la fois politique et d’expression, ce à quoi je tenais absolument. Pour vous donner un exemple, contrairement au parcours de plusieurs cadres, qui accèdent à de tels niveaux de responsabilité, en dépit de multiples pressions, j’ai, clairement et poliment, décliné d’adhérer au parti politique dont le Chef de l’Etat est le Président : le Parti démocratique gabonais (PDG).

A l’occasion de mon bref passage au Palais du bord de mer, donc au sommet de l’édifice, j’ai eu l’immense opportunité de parachever ma connaissance du fonctionnement de l’Etat et de ses institutions. Clé de voûte de l’édifice institutionnel, d’où partent TOUT et vers où remonte TOUT, la Présidence, je l’ai compris, est le lieu où se déterminent les grandes orientations et les décisions quant au développement du pays. Mon bref séjour, en ces lieux, m’a conduit, avec lucidité et esprit critique, à la conclusion que l’organisation et le management de cette institution n’étaient point orientés vers le développement du pays et le bien-être de ses populations. Tenu au devoir de réserve au cours de l’exercice de mes fonctions et après en avoir été relevé, j’ai recouvré ma liberté non sans avoir démissionné du poste de PCA de l’Ecole des Mines deux ans avant la fin de mon mandat, poste que j’avais exercé à titre bénévole, refusant toute rémunération et avantage matériel. Notez que j’aurais pu, comme souvent dans ce cas, demeurer en expectative et agir pour espérer rebondir à d’autres fonctions ou examiner avec bienveillance toutes les propositions qui n’ont pas manqué depuis lors. Bien au contraire, je me suis investi dans la défense des droits citoyens dans le cadre de la société civile, en participant à la création de plateformes dont l’action est visible : « Touche pas à Ma Terre ! », COPIL Citoyen.

 

Ma conviction est sans ambiguïté : seul un changement qualitatif au sommet de l’Etat peut garantir au Gabon de se hisser au rang des pays de référence en Afrique, notamment au regard de son potentiel. L’actuel pouvoir a démontré son incapacité et son incompétence à y parvenir, en deux mandats de sept ans chacun. Aussi ai-je choisi, avec d’autres compatriotes, d’y travailler avec détermination et fermeté, quel qu’en soit le prix personnel à payer.

 

Au terme du congrès, organisé les 19 et 20 mars derniers, à Libreville, REAGIR, qui était jusqu’ici un mouvement associatif fondé en France, est devenu un parti politique avec pour idéologie « la réappropriation du Gabon ». Quelles sont les raisons profondes de ce changement ?

 

Face à la spoliation à ciel ouvert du Gabon, dans tous les secteurs, y compris dans ses domaines de souveraineté, des compatriotes dans la diaspora en France ont lancé ce concept réparateur de la « réappropriation du Gabon », dont la réflexion a été structurée au sein d’une association dénommée REAGIR. Ces compatriotes, des exilés pour la plupart, soucieux de lui donner une traduction concrète au Gabon, ont construit des ponts avec leurs frères et sœurs résidant au Gabon et qui ont fait la preuve de leur patriotisme à visage découvert. Ainsi est né « Réappropriation du Gabon, de son Indépendance, pour sa Reconstruction », en abrégé REAGIR, parti politique définitivement légalisé par récépissé du Ministère de l’Intérieur N° 00057/MI/CAB-ME/CJ du 2 février 2021. Il convient donc de rappeler que l’existence légale de notre parti politique ne remonte pas à notre dernier congrès extraordinaire, mais à février 2021.

Sa VISION, c’est la nécessaire réappropriation du Gabon par le Gabonais, de ses valeurs, de sa culture, de ses terres, de son économie, de ses emplois, bref de sa souveraineté. Son AMBITION, quant à elle, c’est, assurément, la conquête du Pouvoir, de tous les pouvoirs, seul moyen démocratique de parvenir à un changement qualitatif dans notre pays. Il va de soi que REAGIR prendra, activement, part à toutes les échéances électorales à venir, sans exclusive : Présidentielle, Législatives, Locales. Sur le plan de son positionnement, que cela soit perçu sans ambiguïté : REAGIR est résolument ancré dans l’Opposition dans sa frange la plus ferme à l’égard du Pouvoir actuel.

 

Vos détracteurs dans la diaspora aussi bien que dans le pouvoir en place et dans l’opposition présentent REAGIR comme une formation politique, propriété des membres de la famille Bongo Ondimba en froid avec le pouvoir de Libreville. On parle notamment de Christian Bongo Ondimba, Félix Bongo et Omar Denis Junior Bongo Ondimba, pour ne citer que ceux-là. Que répondez-vous à cela ?

 

REAGIR est ouvert à toutes les Gabonaises et à tous les Gabonais dans leur diversité, à condition d’épouser l’impérieux enjeu de l’alternance à la tête de ce pays. Faut-il exclure des Bongo au motif qu’ils s’appellent Bongo ? J’ai cru lire que le Président Omar Bongo Ondimba a laissé une descendance directe d’une cinquantaine de gosses. Sont-ils tous solidairement responsables de la gestion de leur géniteur et de celui du fils qui lui a succédé ? Par ailleurs, Omar n’est pas propriétaire du patronyme Bongo que portent d’autres Gabonais, y compris au sein et hors de la province du Haut-Ogooué, comme ne le sont les patronymes Mba, Maganga et d’autres. Si on doit un jour établir la responsabilité des uns et des autres dans la situation de ce pays, par des moyens politiques et judiciaires, chacun de nous en répondra à titre individuel et non par délit de patronyme.

 

Pour terminer, sur votre énumération, les dirigeants de REAGIR, désignés au cours du dernier congrès extraordinaire sont M. François Ndong Obiang, Président, et M. Jean Valentin Leyama, Secrétaire Exécutif. M. Félix Bongo, membre de REAGIR France, est pressenti, comme d’autres de la Diaspora, pour intégrer le bureau élargi de REAGIR. Si les autres que vous avez cités expriment le désir d’intégrer REAGIR, ils sont les bienvenues.

 

Les mêmes critiques voient en votre formation politique une « sorte d’instrument » au service des intérêts étrangers. Les médias proches du pouvoir vous accusent d’être à la solde du régime du président congolais, Denis Sassou-Nguesso. Quelle est votre réaction à cela ?

 

Kongossa gabonais. Mais je vais vous répondre, je vais emprunter à un ami ce conseil frappé au coin du bon sens : « Il ne faut pas perdre son temps à contredire un affabulateur. Attendez juste un peu, et il le fera de lui-même ».

 

Dans une interview donnée chez Gabonreview, François Ndong Obiang, le Président de REAGIR, indiquait que votre formation politique ambitionne de reconstruire le pays avec tous les Gabonais d’où qu’ils viennent, même s’ils s’appellent Bongo. Cela signifie-t-il l’absolution pour toutes les personnes responsables de la faillite du Gabon ?

 

Omar Bongo Ondimba ou Ali Bongo Ondimba ont-ils gouverné seuls le Gabon ? Ont-ils été tout à la fois chefs d’Etat, premiers ministres, ministres, présidents ou membres d’institutions, magistrats, militaires, gendarmes, policiers, députés, sénateurs, présidents des conseils locaux, secrétaires et directeurs généraux des ministères, gouverneurs, préfets, dirigeants des entreprises publiques, etc. ? En 54 ans de règne, sur une population de moins de deux millions d’habitants, ce sont des milliers de Gabonais, acteurs ou complices de la mauvaise gouvernance du régime Bongo/PDG qu’il va alors falloir ostraciser. Qui pourra se prévaloir d’être cheval blanc pour s’ériger en procureur ? Nelson Mandela n’a pas cloné des nouveaux Sud-Africains en laboratoire, ni Paul Kagame au Rwanda, c’est avec les mêmes hommes et femmes, reformatés dans la primauté du patriotisme qu’ils ont donné une nouvelle vision à leurs pays.

Je termine, en disant que dans un pays aussi faiblement peuplé que le nôtre, où la force des brassages intercommunautaires conduit à l’inexistence de familles homogènes à 100 %, il faut se garder de tout discours d’exclusion et de diabolisation.

 

Vous avez, au cours de votre congrès organisé, en mars dernier, appelé à l’unité de l’opposition pour la prochaine élection présidentielle. Au regard du mode de scrutin, une élection uninominale majoritaire à un tour, et des divisions profondes entre leaders, une unité de l’opposition n’est-elle pas chimérique ?

 

2009 et 2016 ont démontré que l’unité de l’Opposition n’était pas une chimère, dès lors que les acteurs s’y engagent avec sincérité et humilité, hors de tout ego, en privilégiant le « Gabon d’abord ». REAGIR a lancé cet appel et entreprend d’en discuter des modalités avec ses pairs de l’Opposition, individuellement et collectivement.

 

Sur le terrain, on constate que l’opposition est, une nouvelle fois, divisée entre Jean Ping, qui appelle à la mobilisation pour continuer à défendre sa victoire de 2016, et d’autres personnalités, à l’image d’Alexandre Barro Chambrier, qui investissent le terrain pour prendre part à la prochaine élection présidentielle. Quelle est la position de REAGIR ?

 

La POSITION de REAGIR est d’aller aux élections. Tout boycott conforte le Pouvoir en place, comme on l’a vu aux élections générales de 2018.

 

Si l’opposition ne parvenait pas à avoir un candidat unique, REAGIR aura-t-il son propre candidat ?

 

REAGIR va travailler à cette candidature unique. Nous ne désespérons pas d’y parvenir. Mais dans tous les cas, nous ne nous interdisons rien…

 

Bien que diminué physiquement après son accident vasculaire cérébral (AVC), Ali Bongo Ondimba sera sans doute le candidat de la majorité au pouvoir. D’ailleurs, il a dit qu’il sera encore là en 2023. Que vous inspire cette candidature que d’aucuns qualifient de suicidaire ?

 

Nous ne pouvons pas militer en faveur des libertés et dénier à M. Ali Bongo Ondimba la liberté de se présenter à l’élection présidentielle. Il faudrait, toutefois, que les instances compétentes l’en jugent apte.

 

Jean Valentin Leyama, votre mot de la fin.

 

Nous disons aux Gabonais que l’alternance et le changement radical à la tête de notre pays, en vue de lui donner l’AMBITION et le NIVEAU DE DEVELOPPEMENT qu’il mérite au regard de son immense potentiel, sont à portée de main. Ce changement dépend du comportement de chacun d’entre nous au moment de s’inscrire sur les listes électorales, d’exercer notre droit de vote et de défendre les résultats issus des urnes. Notre détermination à REAGIR pour en prendre le leadership est sans faille, qu’ils nous rejoignent pour écrire un nouveau livre de l’Histoire de notre beau pays.

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