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Le Gabon un pays sans mémoire officielle, ou comment perdre un territoire faute de papier

IMG Les archives nationales à l'agonie.

Le 17e étage du ministère, le coin poussiéreux d’un grenier administratif, une boîte en carton sous un bureau bancal... c’est peut-être là que dort un jour un pan essentiel de l’histoire du Gabon. Car ici, au pays des grandes forêts et des silences bien rangés, le papier a longtemps été considéré comme un détail. Pourtant, ce détail vient de coûter encore cher : un différend frontalier perdu au profit de la Guinée-Équatoriale. La vérité ? Ce n’est pas que le Gabon manque de preuves. C’est qu’il ne sait pas où elles sont.

 

Et ce n’est pas faute d’avoir une institution dédiée : la Direction des Archives Nationales existe bel et bien, du moins sur papier celui-là, on l’a retrouvé. Elle possède un bâtiment officiel, certes, mais si insignifiant qu’on le confond avec un ancien centre de tri postal ou un dispensaire oublié. À l’intérieur ? Des piles de dossiers rongés, des registres sans index, des étagères qui tiennent debout par la seule force du mépris.

 

Un pays sans mémoire, c’est un pays vulnérable. C’est un pays qui va à la cour internationale de justice sans pièces, sans cartes, sans chronologie. C’est un pays qui improvise son histoire au micro, pendant que l’adversaire déroule calmement ses archives millimétrées.

 

Mais au Gabon, on n’accorde d’importance à un bout de papier que lorsqu’il est estampillé "contrat pétrolier", "concession minière", ou "invitation présidentielle". Le reste ? Anecdotique. L’acte de création d’un village frontalier ? Le plan cadastral de 1902 ? Le traité signé en 1975 ? Bah... ce sont des papiers d’un autre temps. L’archiviste, cet inconnu mal payé, mal considéré, devient un agent du patrimoine national le jour où le pays perd un territoire. Trop tard, évidemment.

 

Il est temps de le dire clairement : l’histoire du Gabon n’est pas bien conservée, et ce n’est pas un hasard. On a relégué les archives au rang de décor institutionnel, un truc qu’on montre aux délégations étrangères en visite protocolaire, entre deux photos de chefs d’État. Sauf que pendant ce temps, les vraies pièces dorment ou pourrissent dans des couloirs sans ventilation.

 

Alors oui, la modernisation est annoncée. On parle de numérisation, de rénovation, de réformes ambitieuses. Mais soyons sérieux : un pays qui n’investit pas dans ses archives est un pays qui organise sa propre amnésie.

 

En attendant, si un nouveau litige surgit avec le Congo, le Cameroun, ou même une commune interne il faudra peut-être compter sur la mémoire des anciens, ou la chance de tomber sur une preuve oubliée entre deux piles de bulletins de solde. L’ironie ultime ? Dans ce pays, on célèbre chaque année la Journée internationale des archives. Une cérémonie solennelle. Un discours. Et aucun papier pour s’en souvenir.

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